Homélie de Mgr D'Ornellas pour la rentrée diocésaine

 Marie méditait dans son cœur

Lectures de la Messe : Michée 5, 1-4a ;Psaume 12 ;Luc 2, 16-21

Mes amis,


Alors qu’aujourd’hui nous méditons sur la prière, puisque le pape François nous a demandé de préparer le Jubilé de 2025 par la prière durant l’année 2024, nous découvrons que celle qui nous enseigne la prière parce qu’elle l'a vécu, c’ est Marie. Elle est la Mère des priants, elle nous éduque à la prière.

L’Évangile de saint Luc nous le dit très simplement. Tout d’abord, nous avons entendu : « Marie cependant ». (Luc 2, 19) Ce « cependant » signifie qu’il y a quelque chose de particulier chez Marie. Son attitude est différente des bergers qui arrivent, s’approchent et voient « Marie et Joseph avec le nouveau-né ». Ils s’étonnent, ils sont émerveillés et repartent dans la louange.

Certes, la prière de louange est belle. Pourtant, l’évangéliste écrit : « Marie cependant…» Voilà qu’il y a chez elle une attitude spéciale, qui lui est propre, comme sil y avait quelque chose qui était si essentiel que l’Évangile voulait nous le montrer afin que toutes nos formes de prière soient habitées par cet essentiel. « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. »

Un chemin pour découvrir Jésus

Avant d’ aller plus loin, remarquons un point étonnant dans cet Évangile : Marie retient tous ces événements, c’est-à-dire tout ce qui se passe avec son enfant. Elle les médite dans son cœur. Et c’est seulement à la fin, « huit jours plus tard», que « l’enfant reçut le nom de Jésus ». Comme s'il nous était indiqué qu’il y a un chemin à emprunter pour avancer vers la reconnaissance de Jésus dans notre vie, de son incroyable présence (qui n’est pas comme les autres présences). Un chemin au bout duquel on découvre qu’il est miséricordieux comme jamais cela n’existe ailleurs, que sa miséricorde est inconditionnelle.

L’amour de Jésus est gratuit, il n’y a pas de condition. Ce Jésus donne la paix, comme le dit le prophète Michée. Partout où il passe, il dépose sa paix, comme nul autre ne peut la donner, la paix de Dieu ! Nous dirons sa parole à la Messe tout à l’heure : « Je vous laisse ma paix. ». Eh bien, ce chemin pour aller vers Jésus et Le découvrir dans toute sa splendeur, c’est Marie qui le vit parfaitement. Elle « retient tous ces événements ». Cela veut dire qu’elle en fait mémoire. Puis elle les «médite dans son cœur ». Dans la Bible, ce mot « cœur » désigne le lieu le plus profond, il indique l’intériorité. C’est le lieu qui intègre bien sûr nos affectivités, nos sensibilités, nos impressions, nos réflexions, mais où chacun peut descendre plus profondément, là où il rencontre Dieu.

Faire mémoire

Nous comprenons que nous aussi, comme Marie, nous avons cette tâche extraordinaire que chacun peut faire personnellement. « Retenir tous ces événements », c’est-à-dire faire mémoire des événements  de Dieu dans sa vie. Faire mémoire de ce que j’avais oublié. Alors je m’en souviens non pas comme quelque chose du passé, mais comme une réalité vivante aujourd’hui. Voilà que mon Baptême devient une source vivante aujourd’hui ! Voilà que cette lecture de la Parole de Dieu qui m’ a frappé jadis, par laquelle Dieu m’a touché, redevient vivante en moi aujourd’hui ! Voilà que cette parole que j’ai entendue un jour de la part de quelqu’un, quand j’en fais mémoire et que je la rumine, me donne vie. Je me souviens de cet instant dans une église : je me suis recueilli, j’ai senti une paix étonnante. Ça a l’air du passé. Mais voilà que j’en fais mémoire et la paix de Dieu devient réelle en moi.

Quand ainsi je fais mémoire de ces événements de Dieu dans ma vie, que j’avais peut-être oubliés, qui sont imperceptibles, alors, j’ai l’impression que ma vie ressuscite, qu’il y a une source de vie en moi et que cette source de vie est une vie avec la joie. Pas une joie superficielle mais avec la paix, la paix de Dieu.

Nous sommes des frères et des sœurs puisque nous n’avons qu’un seul Père au ciel. Dans cette fraternité, nous pouvons nous entraider à faire mémoire de tel événement avec Dieu, non pour rester dans le passé mais pour qu'il soit présence de Dieu aujourd’hui.

Se souvenir, c’ est toute l’histoire dans la Bible. Toute la Bible est en quelque sorte un « souviens-toi ». Le grand oracle de Dieu au Peuple d’Israël est : « Souviens-toi » (Deutéronome 32, 7 ; Psaume 105, 5). Rappelle-toi ma présence au milieu de toi. Rappelle-toi ma miséricorde pour toi. Rappelle-toi le chemin que je t’ai ouvert dans le désert. Rappelle-toi la manne que je t’ai alors donnée. Rappelle-toi la source d’eau vive qui a coulé du rocher.

Bref, voici que nous sommes invités aujourd’hui à nous mettre à l’école de Marie, fille d’Israël, et à entrer dans ce petit exercice tout simple. En nous posant quelque part dans notre chambre, dans une église, nous pouvons faire mémoire. Faire mémoire du sacrement du Mariage reçu. Faire mémoire de ma consécration religieuse ou de ma consécration tout court. Faire mémoire du Baptême de mon enfant qui m’a tellement touché. Faire mémoire de cet instant un peu douloureux mais il y avait une telle paix aux obsèques de mes grands-parents ou de mes parents. Faire mémoire de ce moment où j’ai entendu une parole qui m’a rejoint au fond du cœur. Faire mémoire de cette lecture dont j’ai recueilli un fruit étonnant de lumière. Faire mémoire de l’imposition des mains au moment où j’ai été ordonné. Faire mémoire de ma Confirmation avec le don de l’Esprit Saint.

Méditer sans son cœur

Alors, comme avec la Vierge Marie, cela devient méditation dans mon cœur, méditation qui est prière. Cela devient, en effet, un moment où je suis présent à Dieu qui est présent à moi, comme un cœur à cœur avec Lui. Cela devient un lieu, comme on l’a entendu ce matin, où il n’y a que de l’amour, amour de Dieu pour moi et amour de moi pour Dieu.

Oui, nous sommes en présence de Dieu. Il est là. C’est certain. Je ne le sens pas. Je ne le vois pas. Peut-être que mon imagination est distraite, mais voilà qu’en retournant au fond de mon cœur, je suis avec Lui. Il est avec moi et il y a un échange.

Comme nous le dit si bien la Tradition avec aussi cette parole du paysan d’Ars « Je le regarde et Il me regarde », cette prière peut devenir un simple échange de regard, un peu comme les amoureux le vivent, ou comme la maman avec son bébé. C’est un échange de regard plein d’amour entre Jésus et moi, entre moi et Jésus. Regard habité par la mémoire du don de Dieu, par la gratitude envers Dieu.

Demander avec paix

Dans cette prière peuvent alors venir les demandes, les intercessions, avec confiance et paix, non pas en insistant, mais simplement en nommant les personnes. Cette prière de demande, qui est si précieuse, vient une fois que nous sommes en Sa présence et avec Lui. Alors très paisiblement, nous pouvons Le prier pour celles et ceux que nous aimons ou que nous avons du mal à aimer. Nous pouvons Lui confier ceux qui souffrent, qui sont brimés, qui n’ont pas la foi, que sais-je.

Mes amis, à Notre-Dame de La Peinière, demandons à la Vierge Marie qu’ elle nous mène à son école de la prière pour que nous apprenions à faire mémoire de la présence de Dieu, du Seigneur Jésus, dans notre vie pour méditer dans le silence et dans la paix au fond de notre cœur.

Amen.


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