cathéchèse de Mgr D'Ornellas pour la rentrée diocésaine

Dans sa toute première lettre écrite aux chrétiens, saint Paul leur  dit : « Priez sans cesse » (1 Thessaloniciens 5, 17). Comment comprendre cela ? N' est-il pas vrai que nous avons chacun des occupations qui nous empêchent de prier ?

Pour que nous puissions tous avancer sur le chemin de la prière dans notre vie concrète, je vous invite à un petit parcours qui nous permettra de mieux comprendre la richesse de la prière. Cela nous aidera à prier.

1. TOUT LE MONDE PEUT PRIER


Tout d' abord, rappelons que tout le monde peut prier, même le pécheur, c' est-à-dire chacun de nous. Souvenons-nous qu'à chaque fois que nous prions le « Je vous salue Marie », nous nous désignons comme des « pauvres pécheurs ». Le larron qui est sur la croix à côté de Jésus était un vrai brigand. Pourtant il prie Jésus : « Seigneur, souviens- toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». (Luc 23, 42) L' important dans la prière, quand elle est personnelle, c' est l' authenticité, la sincérité. S' il y a un mot qui est étranger à la prière, c' est « hypocrite ». En lisant les Évangiles, ce mot apparaît de façon radicale (cf. Matthieu 23, 13.15.23.25). Rien n' empêche de prier. Il n' y a qu' une seule attitude qui empêche vraiment la prière, c' est l' hypocrisie. Je ne peux pas prier en trichant avec ma conscience. Le pauvre pécheur prie en reconnaissant humblement qu' il est pécheur, sa prière est écoutée de Dieu (cf. Luc 18, 10-14). Le révolté prie en criant vers Dieu, parfois en souffrant de son silence, comme on le lit dans des Psaumes.

Chacune de nos prières personnelles forme avec toutes les autres prières une « grande symphonie de la prière », selon l' expression du pape François. Quand nous nous rassemblons pour prier, c' est comme un orchestre : chacun joue bien de son instrument et c' est pour cela que la symphonie de tout l'orchestre est belle. Il en est de même avec tous ceux et toutes celles qui prient dans le diocèse. Qu' elle est belle la « grande symphonie de la prière » qui s' élève dans notre diocèse vers Dieu !

Il n' y a pas de petites prières. Il n' y a pas non plus de meilleures prières qu' une autre. Il n' y a pas des personnes qui savent prier et d' autres qui ne sauraient pas prier. D' un côté, chaque personne qui prie, quelle que soit sa forme de prière et quelle que soit sa situation, embellit cette « grande symphonie de prière ». D' un autre côté, savoir qu' autour de nous des personnes prient et forment une « grande symphonie de prière » nous encourage dans notre prière personnelle.

Un élan du coeur

Mais « qu' est-ce que la prière ? ». Le Catéchisme de l' Église Catholique (CEC) se pose la même question. Pour répondre, il donne la parole à sainte Thérèse de Lisieux : « Pour moi la prière, c' est un élan du coeur, c'est un simple regard jeté vers le ciel, c' est un cri de reconnaissance et d'amour au sein de l' épreuve comme au sein de la joie ». (CEC 2558) Voilà la grande définition que donne le Catéchisme de l' Église Catholique en s' appuyant tout simplement sur le témoignage d' une jeune fille morte à 24 ans, qui, à la fin de sa vie, a confié ce qu' était pour elle la prière. Elle exprime la simplicité de la prière, sa spontanéité, son authenticité puisque la prière peut consister en un « cri ». Immédiatement après, le Catéchisme donne une autre définition de la prière. Elle émane d' un grand docteur de l' Église des siècles passés, saint Jean Damascène : « La prière est l' élévation de l' âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables ». (CEC 2559) Parfois dans la prière, nous demandons à Dieu des biens qui ne sont pas exactement ce qu' il nous faut, ou qui ne sont pas ce qu' il faut pour les autres. Il est important de discerner quels sont les biens qui sont « convenables » et que je peux demander pour moi-même ou pour d' autres. C' est pourquoi le Catéchisme nous rappelle que « la prière est […] la demande à Dieu des biens convenables », ceux qui font grandir l' unité, la réconciliation, la paix, la charité… bref, ceux qui font grandir le Royaume de Dieu. À ma prière du matin, je peux demander à Dieu ses dons pour que je vive la journée avec charité.

Avec humilité

Le Catéchisme se pose une seconde question : « D' où parlons-nous en priant ? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des "profondeurs" d' un coeur humble et contrit ? » Et il répond : « C' est celui qui s' abaisse qui est élevé (cf. Luc 18, 9-14). L' humilité est le fondement de la prière. » Si l' hypocrisie est contraire à la prière, l'orgueil en est le plus grand obstacle. Avec la sincérité, l'humilité est la disposition fondamentale pour entrer en relation avec Dieu, avec Jésus. Le Catéchisme ajoute cette belle affirmation de saint Augustin : « L' homme est un mendiant de Dieu. »

Cette humilité n'est pas l'humilité de celui qui dit « Je suis nul, je suis nul, je suis nul ! », ce qui d'ailleurs n' est pas totalement vrai, car nous avons tous des talents. Il s' agit de l' humilité de celui ou de celle qui est devant Dieu. Je reconnais que Dieu est Dieu. Je reconnais que c'est Lui qui compte. Comme dit Jésus, « vous m' appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison » (Jean 13, 13). C' est lui le Maître, ce n' est pas nous ! C' est lui le Seigneur, ce n'est pas nous ! D' où cette affirmation qui est capitale : « L' humilité est le fondement de la prière. » Avec l' humilité, on peut peut-être se dire « je n'arrive pas à prier ». Ce n' est pas grave, pourvu qu' il y ait humblement un « élan » même furtif vers Dieu, un « simple regard » jeté sur Lui, ou un pauvre « cri » élevé avec confiance vers Lui ! L'orgueilleux pourrait dire « j' arrive à prier », comme le « pharisien » (c' est-à-dire celui qui connaît la Loi) de la parabole dans l' Évangile (Luc 18, 10-14) qui se tient debout tout devant et dit sa prière à haute voix. Par contre, le « publicain » (c' est-à-dire le pauvre pécheur) qui se tient au fond, à genoux, la tête baissée et qui murmure ou gémit en ayant peut-être l' impression de ne pas savoir prier, c' est celui-là qui est écouté de Dieu !

Le Christ vient à notre rencontre

Enfin, le Catéchisme médite sur la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Il cite la phrase que Jésus lui dit : « Si tu savais le don de Dieu ! » (Jean 4, 40) Le Catéchisme en fait un beau commentaire : « La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau : là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, il est le premier à nous chercher et c' est lui qui demande à boire. » Ce n' est donc pas nous qui d' abord allons prier, c' est le Christ qui vient vers nous. Commencer la prière en remerciant le Christ de venir vers moi, c'est considérer que c' est lui, le Maître qui est « le premier à me chercher » parce qu' Il m' aime !

Le Catéchisme continue : « Jésus a soif. » Il s' agit tout autant de Jésus qui demande à la Samaritaine, et donc à chacun d' entre nous : « donne-moi à boire » (Jean 4, 10), que de Jésus qui dit sur la croix : « J'ai soif » (Jean 19, 28), soif de notre amour, de notre foi, de notre confiance. Le Catéchisme l'exprime très clairement : « Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire : La prière, que nous le sachions ou non, c' est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. » (CEC 2560)

Voilà ce qui est extraordinaire dans la prière : c'est d'abord Dieu qui a soif de nous ! C'est d'abord Jésus qui s' approche de nous. C'est Lui qui prend l' initiative de se faire proche de nous, et pas l' inverse. Le premier, il nous a aimés (cf. 1 Jean 4, 10). Et nous, en priant, nous répondons à sa proximité, à sa soif, à son amour. Prier, c'est avoir conscience que Dieu se fait proche de moi, m' écoute et m' aime.

2. DIFFÉRENTES FORMES DE PRIÈRE


Cette prière, selon le Catéchisme de l' Église Catholique, peut être une prière de «bénédiction». On bénit Dieu en « réponse aux dons de Dieu » (CEC 2626), à la bénédiction dont Il nous comble. Je bénis Dieu pour la bénédiction qu' Il fait descendre sur mes enfants. Je bénis Dieu pour sa bénédiction en me donnant de la nourriture. Je bénis Dieu pour les amis car l' amitié est une bénédiction. Etc.

Le Catéchisme parle aussi de « l'adoration ». C'est la prière la plus gratuite parce que dans l' adoration, nous reconnaissons Dieu comme Dieu, et cela suffit ! « L' homme se reconnaît créature devant son Créateur ». (CEC 2628) Je ne vais pas à l' adoration pour demander quelque chose. J'y vais parce que Dieu est Dieu, parce que Jésus est Seigneur !

L' adoration, c' est la pureté du coeur qui s'arrête un instant devant la majesté de Dieu, devant l'infini de son amour ou la splendeur de sa beauté. Cela peut venir spontanément dans la nature, ou dans une église, ou parfois encore dans sa chambre : un moment d' adoration où on se prosterne à genoux, où on s' incline en fermant les yeux, ne serait-ce qu' un instant, parce qu' on est devant Dieu, parce que Dieu est Dieu et que son amour est immense. L'adoration, c'est le moment de la Messe où tous ensemble nous proclamons : « Saint, saint, saint … »

Évidemment, il y a aussi « la prière de demande ». C' est toujours une prière de demande de ce dont nous avons besoin, et en « premier de son pardon » (CEC 2631). Nous le faisons à chaque fois que nous entrons dans la célébration de la Messe. Les demandes sont diverses et variées, mais elles doivent s' orienter vers les « biens convenables ».

Cette prière de demande peut se transformer en intercession pour le monde. « La prière d'intercession », c'est la prière du coeur qui s'ouvre à autrui, au monde et à ses drames. Par l'intercession, nous nous «conformons de près à la prière de Jésus» (CEC 2634) Intercéder, c'est être sensible à ce que vit le monde qui est proche de nous ou qui est lointain. La prière d' intercession vient du coeur qui aime les autres.

Le Catéchisme fait aussi mention de « la prière d' action de grâces ». Savoir dire merci, comme c' est important ! La prière peut toujours se terminer en disant à Dieu : Merci. On a l'impression d'avoir mal prié, d'avoir été distrait, d'avoir bâclé ses prières, qu'importe, on peut toujours terminer en disant : «Merci Seigneur !» Il y a toujours une raison de dire merci. Merci parce qu' Il est là, parce qu' Il nous aime. Il est fondamental de lui dire merci.

Ce qui atteste la vérité d'une prière, c'est de savoir dire merci, d'être reconnaissant envers Dieu. Au n. 2638, le Catéchisme cite saint Paul : « Soyez assidus à la prière ; qu' elle vous tienne vigilants dans l'action de grâces ». (Colossiens 4, 2) Au coeur de la Messe, il y a la préface : « Vraiment, il est juste et bon de te rendre grâce toujours et en tout lieu… » Dieu fait tellement de dons à l' humanité, dans le secret de sa grâce, de sa présence et de sa bénédiction ! Beaucoup ne savent pas, oublient, ne Lui disent pas merci. Oui, c' est beau de dire « Merci » à leur place.

Enfin, il y a « la prière de louange » comme nous l' avons fait ce matin. Savoir louer Dieu « en le chantant pour Lui-même, parce qu' Il est » ! (CEC 2639) Dans l' Écriture Sainte se trouvent de belles prières de louange. Nous le louons à la Messe à chaque fois que nous chantons le Gloria : « Nous Te louons, nous Te bénissons, nous T' adorons, nous Te glorifions, nous Te rendons grâce, pour Ton immense gloire ! »

3. LE RECUEILLEMENT DU COEUR

Après avoir exposé toutes ces formes de prière, le Catéchisme de l' Église Catholique conclut : « Cependant la tradition chrétienne a retenu trois expressions majeures de la vie de la prière : la prière vocale, la méditation, l' oraison ». (CEC 2699) Le Catéchisme continue : « Un trait fondamental leur est commun : le recueillement du coeur. »

Il n' y a donc pas de prière sans recueillement. Même si ce recueillement est bref. Même si ce recueillement est habité par de la distraction.

Quel paradoxe ! La distraction habite notre imagination, tandis que Dieu réside au fond de nous, dans notre coeur. La distraction n'a jamais empêché de prier celui ou celle qui a pris l' habitude de se recueillir.

Avec une certaine expérience, on comprend que ce n' est pas parce que l' on est distrait qu' on ne prie pas dans le fond de son coeur. C'est peut-être parce qu' on confond le fait de bien penser avec l' acte

de la prière qu' on s' imagine que la distraction est un empêchement à la prière ! La prière vient du coeur. Il peut se passer des tas de choses avec l'imagination qu' on n' arrive pas à contrôler. La tentation de la prière, c'est de vouloir contrôler son imagination ; mais si on part contrôler son imagination, on n'est plus avec Dieu, on est avec soi-même, on s'occupe de soi-même en train d' être distrait, en train d' avoir de l'imagination, au lieu de replonger dans son coeur, de retrouver le recueillement, de retrouver Jésus qui est présent. Ce n'est pas parce que nous sommes distraits que Jésus n'est pas là avec son amour sauveur. Or ce qui compte, c' est que Jésus est là, qu' Il m' aime et qu'Il vient vers moi, qu'Il a soif de moi. À chaque fois que je prends conscience que je suis distrait, alors je reviens doucement au recueillement au fond de mon coeur en présence de Jésus, mon cher « Maître et Seigneur ». Le jour où on a compris que le trait fondamental de toute démarche de prière, c'est « le recueillement du coeur », alors il est toujours possible de prier et d'embellir la « grande symphonie de prière » qui englobe le monde. Apprendre à prier, c'est apprendre à se recueillir.

Il est beau de se recueillir chaque jour, au moins quelques minutes, pour parler à Dieu, pour L'écouter.

La prière vocale

Selon le Catéchisme, « la prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne ». (CEC 2701) Prier seul vocalement ou prier ensemble vocalement, c'est beau ! Tout de suite, on nous donne l'exemple de Jésus qui a enseigné la prière vocale du « Notre Père », qui a prié les prières liturgiques à la synagogue ou qui élève la voix pour exprimer sa prière personnelle : « Je te bénis, Père, Seigneur, du ciel et de la terre… » (Luc 10, 21) Jésus prie donc à haute voix, y compris à Gethsémani où on l'entend : « Père, éloigne de moi cette coupe mais non pas ma volonté, mais ta volonté. » (Matthieu 26, 39)

Bref, la prière vocale est très importante. « C' est un besoin d' associer les sens, tous nos sens, à la prière intérieure. C'est une exigence de notre nature humaine ». (CEC 2702) Même les moines, y compris

les Chartreux, qui s'enferment dans la solitude pour la prière, se rassemblent pour prier vocalement. Nous avons besoin de prier vocalement. Cette prière vocale, c'est par excellence la prière d' une foule, mais aussi d'une famille, d'une communauté. C'est la prière liturgique.

Je me souviens d' une magnifique prière vocale que j' ai entendue dans un EHPAD. C'était le Temps Pascal. À la fin de la célébration de la Messe, j'ai dit : « C' est formidable ! Le Christ est ressuscité, Alléluia, il est vraiment ressuscité, Alléluia ! » Quelle ne fut pas ma surprise ! Je vois alors les personnes âgées en train de taper en rythme sur les accoudoirs de leur fauteuil roulant en chantant Alléluia, Alléluia ! J'étais ému d'entendre ce chant spontané « Alléluia ».

Cette prière vocale exprime quelque chose qui est au fond du coeur. « La prière vocale devient intérieure dans la mesure où nous prenons conscience de Celui à qui nous parlons. » (CEC 2704) Il ne s'agit donc pas de chanter simplement parce que le chant est beau, mais d'avoir conscience qu'on chante à Dieu, qui s'appelle le Seigneur Jésus.

La méditation

La deuxième manière de prier, c'est la méditation qui, elle aussi, est fondamentale. Elle est une « recherche pour comprendre le pourquoi et le comment de la vie chrétienne ». (CEC 2705) Elle ne peut pas ne pas habiter l'être humain, en particulier le chrétien.

« Habituellement, on s'aide d'un livre et les chrétiens n' en manquent pas : les Saintes Écritures, l'Évangile singulièrement, les saintes icônes, les textes liturgiques du jour ou du temps, les écrits des Pères spirituels, les ouvrages de spiritualité et puis, le grand livre de la création et celui de l'histoire, la page de "l'Aujourd' hui" de Dieu. » (CEC 2705)

Oui, il est beau de méditer sur son « aujourd'hui » avec Dieu, mais aussi sur tout ce que nous avons vécu avec lui. Marie, la mère de Jésus, en est un lumineux exemple. On peut méditer sur son histoire personnelle ou sur l'histoire de sa famille, ou encore sur l'histoire de sa communauté, de l'Église, pour y découvrir la présence de Dieu et écouter son appel aujourd'hui. Le grand livre de la création est aussi un beau sujet de méditation qui nous rapproche de Dieu créateur et père, Lui qui pourvoit au bien de ses enfants.

Bien sûr, nous pouvons méditer à partir de l' Évangile pour se l'approprier et pour se convertir. Le Catéchisme est fort : « Méditer ce qu' on lit conduit à se l'approprier en le confrontant avec soi-même. Ici, un autre livre est ouvert : celui de la vie. On passe des pensées à la réalité. » On médite pour le réel, pour la réalité. La réalité, ma réalité, qu'est-ce que Dieu en fait ? Dieu est présent dans le réel, pas dans les idées. Il est présent dans ce réel qui est mien aujourd'hui. Ainsi, la méditation consiste à passer des pensées à la réalité. Le Catéchisme précise : « À la mesure de l'humilité et de la foi, on y découvre les mouvements qui agitent le coeur et on peut les discerner. Il s'agit de faire la vérité pour venir à la lumière : "Seigneur, que veux-tu que je fasse ?" ». (CEC 2706)

Le Catéchisme donne une indication qui n'est pas sans importance: « Les méthodes de méditation sont aussi diverses que les maîtres spirituels. […] Mais une méthode n' est qu' un guide. » Parfois, des personnes prennent la méthode pour un absolu, elles ne sortent plus de la méthode ; c'est une erreur, un manque de liberté. Ce n'est pas la méthode qui compte, elle n'est qu'une aide, une servante et quand on a plus besoin de cette méthode, il faut passer à une autre manière de méditer. Écoutez bien la suite : « L'important est d'avancer avec l' Esprit Saint, sur l'unique chemin de la prière : le Christ Jésus. » (CEC 2707)

Dans la méditation, tout doit conduire à voir comment la réalité de ma vie se laisse toucher par Jésus-Christ, se laisse rencontrer par Lui. Nous rejoignons Jésus avec le réel de notre existence. Je suis dans les pleurs, et je rencontre Jésus qui « pleura » sur Jérusalem (Luc 19, 41) ou sur son ami Lazare (Jean 11, 25). Je suis triste, alors j'entends Jésus dire : « Mon âme est triste à en mourir. » (Matthieu 26, 38) Je suis dans la joie, et je vois Jésus exulter de joie (Luc 10, 21). J'ai soif de pureté, et je me souviens de la parole de Jésus : « Heureux les coeurs purs ». (Matthieu 5, 8) J' ai besoin de pardonner mais je n'y arrive pas ; alors je suis encouragé par Jésus qui parle du pardon « du fond du coeur » (Matthieu 18, 36).

Quand je poursuis la méditation, il y a toujours un moment où se produit une rencontre entre une parole de Jésus et le réel de ma vie : c' est cela la prière. Cette méditation arrive toujours d'une manière ou d'une autre à quelque chose qui est de l'ordre de la consolation, de la paix.

Partout où Jésus passe, il donne sa paix. Ça ne veut pas dire qu' il supprime la souffrance ou efface une difficulté. Mais quelque chose de sa paix est là, comme si un chemin nouveau de vie s'ouvrait. Ainsi, la méditation est une forme très belle de la prière. « La prière chrétienne s'applique de préférence à méditer "les mystères du Christ", comme dans la lectio divina ou le Rosaire. » (CEC 2708) Grâce à la lecture de l' Écriture où je cherche Dieu avec le réel de mon existence en méditant, je vais petit à petit vivre une rencontre, celle d' un Ami avec son ami, celle de Jésus avec moi dans le réel de ma vie.

Je me souviens d' une retraite que je prêchais pour des familles. Une dame vint me voir. Elle est épouse et grand-mère. Elle me raconta sa découverte, comme si, en méditant, elle avait reçu une lumière extraordinaire. Elle connaissait la phrase : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Pour elle, c' était pour les personnes engagées dans la solidarité comme au Secours Catholique ou au CCFD. Or, elle fit une rencontre entre ce propos de Jésus et sa mission concrète d' épouse et de grand-mère. Elle comprit que Jésus lui disait « aimez-vous les uns les autres comme je vous aimais », pour sa vie familiale. Elle en avait une belle joie, comme si un nouveau chemin s'ouvrait pour elle.

Voilà comment la méditation aboutit à une rencontre : un verset de l' Écriture Sainte, un passage des Évangiles, devient Parole de Dieu pour moi, devient plutôt Dieu qui me parle au plus profond de moi et qui me transforme, qui m'ouvre un chemin, qui me donne un élan. C'est pourquoi, le psalmiste confie : « Moi, je crie vers toi, Seigneur ; dès le matin, ma prière te cherche. »

L' oraison

Enfin, la troisième manière de prier, c' est la prière silencieuse qu' on appelle « l' oraison », du verbe latin orare qui veut dire prier. Le Catéchisme de l'Église Catholique pose la question : « Qu'est-ce que l'oraison ? Sainte Thérèse [d'Avila] répond : "L'oraison mentale n'est, à mon avis, qu'un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé". » (CEC 2709) Il s'agit donc d'un échange d'amour, comme dans l'Écriture où Dieu parle avec Moïse comme un ami parle avec son ami (Exode 33, 11).

La prière d'oraison se fait le plus habituellement avec Jésus puisque Dieu s'est pleinement révélé en Lui. « Qui me voit, voit le Père », dit Jésus (Jean 14, 9). L' oraison est donc un échange d'amour avec Jésus tel que les Évangiles et toute la Bible nous le donnent. « L'oraison cherche Celui "que mon coeur aime" (Cantique 1, 7). C' est Jésus. » (CEC 2709)

Le Catéchisme nous encourage alors qu'on se sent fatigué, sans force ou malade, ou encore dans une situation qui nous empêche de méditer : « On ne peut pas toujours méditer. On peut toujours entrer en oraison, indépendamment des conditions de santé, de travail ou d' affectivité.

Le coeur est le lieu de la recherche et de la rencontre dans la pauvreté et dans la foi. » (CEC 2710) Ici, le Catéchisme nous fait une petite recommandation : « On ne fait pas oraison quand on en a le temps : on prend le temps d' être pour le Seigneur, avec la ferme détermination de ne pas le Lui reprendre en cours de route. »

Le Catéchisme nous invite à être enfant devant Dieu : « L'oraison est la prière de l'enfant de Dieu, du pécheur pardonné qui consent à accueillir l'amour dont il est aimé et qui veut y répondre en aimant plus encore (cf. Luc 7, 36-50; 19, 1-10). Mais il sait que son amour en retour est celui que l'Esprit répand dans son coeur, car tout est grâce de la part de Dieu ». (CEC 2712) Le Catéchisme ajoute : « L'oraison est la remise humble et pauvre à la volonté aimante du Père en union de plus en plus profonde à son Fils bien-aimé, Jésus. »

Un simple regard de foi 

Ainsi, en nous invitant à prier, le Catéchisme nous oriente vers la simplicité des enfants, des humbles, des pauvres devant Dieu. « L'oraison est l'expression la plus simple du mystère de la prière ». (CEC 2713)

« L'oraison est le temps fort par excellence de la prière ». (CEC 2714)

L'oraison est simple parce qu'elle est un regard intérieur, un regard que nous posons sur Jésus en demeurant avec Lui. Il s'agit donc de demeurer auprès de Lui en renouvelant sans cesse notre regard sur Lui. Et Lui, Jésus nous regarde et nous aime.

Le Catéchisme a cité sainte Thérèse d'Avila qui est le grand docteur de la prière. Je vous lis ce qu'elle a écrit à ce sujet : « Je ne vous demande pas en ce moment de fixer votre pensée sur lui, ni de faire de nombreux raisonnements ou de hautes et savantes considérations. Je ne vous demande qu'une chose : le regarder. Qu'est-ce qui vous empêche de porter sur Notre Seigneur le regard de l'âme ne serait-ce qu'un instant, si vous ne pouvez faire plus ? […] Lui ne vous perd jamais de vue. […]

Considérez qu'il n'attend de vous qu'un regard ; et selon que vous l'aurez aimé, vous le trouverez ; car il estime tant ce regard qu'il ne négligera rien de son côté pour l' avoir. » Dieu ne néglige rien pour ses enfants ! En effet, « l'oraison est un don, une grâce ; elle ne peut être accueillie que dans l'humilité et la pauvreté.

L'oraison est une relation d'alliance établie par Dieu au fond de notre être (cf. Jérémie 31, 33). L'oraison est communion. » (CEC 2713)

Un paysan a admirablement vécu l'enseignement de sainte Thérèse d'Avila ! « La contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus. "Je L'avise et Il m'avise", disait au temps de son saint curé, le paysan d'Ars en prière devant le Tabernacle. » (CEC 2715) Et cette prière qui est un simple regard maintenu autant qu'on le peut sur Jésus, est gratuite. Elle est pour Lui, Jésus, le « Maître et Seigneur ». C'est pourquoi, le Catéchisme donne cette indication : « Cette attention à Lui est renoncement au "moi". » En effet, le grand danger de la prière, c'est de se mettre au centre. Or, la vraie prière, c'est de mettre Jésus au centre. Ce n' est pas moi qui compte, c'est Lui et son amour sauveur pour moi et pour l'humanité.

Pour poser son regard sur Jésus et demeurer avec Lui, il est nécessaire de commencer à se recueillir par une méditation sur un mystère de Jésus, sur une action de Jésus, sur une Parole de Jésus. Puis cette méditation s' arrête pour devenir progressivement un simple regard posé sur Lui. Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus parlait de son regard « fixé » sur Jésus. Quand elle prend conscience qu' elle est distraite, elle repose son regard sur Jésus. « Lorsque l'on a perdu le recueillement, écrit de son côté sa sainte patronne, il n' y a point d' autre remède que celui de le rechercher de nouveau. »

Pour cela, il est utile de relire le passage de la Parole de Dieu qui me recueille auprès de Jésus. 

L'oraison est écoute de la Parole de Dieu.

C'est une écoute qui est un accueil inconditionnel du serviteur et une adhésion aimante de l' enfant. Elle participe au "Oui" du Fils devenu Serviteur et au "fiat" de son humble servante », la Vierge Marie. (CEC 2716) Jésus et Marie sont les modèles de l'adhésion totale à Dieu qui nous parle. Sans cette adhésion du coeur, la prière silencieuse manque de simplicité et perd sa valeur. Écouter la Parole, c'est y adhérer de tout son coeur, c'est la mettre en pratique (cf. Luc 11, 28), sinon la prière est celle de « l'hypocrite », et non celle de « l' enfant ».

L'oraison est silence […] ou "silencieux amour". Les paroles dans l'oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui alimentent le feu de l' amour. C'est dans ce silence, insupportable à l'homme "extérieur", que le Père nous dit son Verbe incarné », Jésus. (CEC 2717)

Fécondité de la prière

J'achève en évoquant la fécondité de la prière. Le Catéchisme l'indique sobrement : « L'oraison est union à la prière du Christ dans la mesure où elle fait participer à son mystère ». (CEC 2718) Nous sommes unis à Jésus, et ses sentiments deviennent de plus en plus les nôtres, comme le souligne saint Paul (Philippiens 2, 3). Nous participons ainsi à l'oeuvre de Jésus, à sa charité pour le monde.

Sainte Thérèse de Lisieux écrit à la fin de sa courte vie : « Un Savant a dit : "Donnez-moi un levier, un point d' appui, et je soulèverai le monde". Ce qu'Archimède n'a pu obtenir parce que sa demande ne s'adressait point à Dieu et qu' elle n'était faite qu'au point de vue matériel, les Saints l' ont obtenu dans toute sa plénitude. Le Tout-Puissant leur a donné pour point d' appui : Lui-même, et Lui seul. Pour levier : L'oraison qui embrase d'un feu d'amour, et c'est ainsi que les Saints encore militants le soulèvent et que jusqu' à la fin du monde les Saints à venir le soulèveront aussi. »

Rien n'est plus beau et plus utile sur terre que cette participation à l'oeuvre de Jésus. Il est le « sauveur du monde » (Jean 4, 42). Il ne cesse pas d'intercéder et de donner sa grâce. Ainsi, uni à Lui grâce à la prière, j'ai confiance dans l'oeuvre de Jésus qu'il veut accomplir « aujourd' hui », comme il l'a fait pour Zachée (Luc 19, 5). Par exemple, pour mes adolescents ou pour mes petits enfants qui ne sont pas baptisés, j'ai confiance. Je pourrais me plaindre sans arrêt que mes petits-enfants ne soient pas baptisés. Mais, confiant en Jésus et en son oeuvre de salut, je puis au contraire demeurer dans la paix et entrer dans une authentique prière d' intercession pour eux. Cette intercession peut se transformer, grâce à la méditation, en une prière toute simple où je participe à l'oeuvre de Jésus qui sauve le monde. Je participe à l'oeuvre de Jésus qui aime les hommes et qui un jour se découvrira à eux. Ainsi, cette prière devient finalement un lieu de grande paix en participant à l'oeuvre de Jésus à laquelle je communie dans la prière. Elle me fait grandir dans l' amour et je communie de plus en plus à l' amour de Jésus pour le monde, pour les malades, pour les détenus, pour les membres de ma famille, pour mes élèves, pour mes voisins, que sais-je ? Je peux aussi, uni à Jésus souffrant, prier pour la paix parce la guerre est trop injuste. Notre prière, qui nous unit à Jésus, nous fait grandir dans l'amour pour Dieu et aussi pour celles et ceux vers qui nous sommes envoyés dans le quotidien de notre existence familiale, paroissiale ou professionnelle.

Voilà quelques propos qui peuvent nous encourager dans la prière. Il est beau de prier. Il est beau de rester avec le Seigneur Jésus. Il est beau, quelle que soit la forme de prière que nous avons, d'être recueilli dans son coeur avec Lui et de recevoir de Lui la grâce de participer à son oeuvre, à son amour, d' être artisans de paix comme Lui. Il est beau de prier le matin ou le soir, seul ou en famille, vocalement ou avec un temps de silence. Le Seigneur est là ! Il nous écoute, il nous bénit, il nous donne le goût d' aimer, de pardonner, de Le servir.

Ainsi, la prière fait de nous des disciples de Jésus, des « disciples missionnaires ». Plus la prière nous unit à Lui et à son amour, plus nous devenons, par amour, ses « témoins » comme nous le demande Jésus. 



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