Vendredi Saint

 

« Vendredi saint : Office sans prière eucharistique. "Mémoire" de la Passion du Christ. La communauté se rassemble et les célébrants montent à l'autel totalement dépouillé; dans le silence absolu. Nous entrons, en effet, dans l'immense recueillement du monde qui mesure son péché. Nous entrons dans le jour où le Verbe de Dieu fait chair, Parole de Dieu faite homme, est privé de la parole. Le récit de la Passion le souligne à plusieurs reprises. Devant les questions qui lui sont posées, Jésus se tait. Après avoir poussé un grand cri, il remet son esprit au Père. "entre ainsi dans le mutisme de la mort pour nous y faire échapper. " participe à notre condition d'hommes par le péché pour nous rendre capables de louer Dieu.

Le célébrant, à l'autel, se prosterne longuement en esprit de pénitence. Alors commence la liturgie de la Parole avec la première lecture (Isaïe 52-53), le 4ème poème du serviteur souffrant, appelé aussi "le premier évangile". Un texte à savoir par cœur pour qu'il nous façonne. Car, avant de le vivre sur la croix, Jésus dans son humanité n'a cessé de le prononcer intérieurement jusqu'à en faire ses propres paroles: "Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour les multitudes" (Mt 20, 28). Ce secret de Jésus que les disciples auront tant de mal à comprendre, exprime tout le mystère du Messie crucifié.

Puis, méditation du psaume 30 avec le verset que Jésus prie sur la croix: "En tes mains, je remets mon esprit", acte de foi et d’espérance du Messie souffrant. Suit un passage de l’Epître aux Hébreux (4, 14-16 ; 5, 7-9) : Jésus par son sacrifice est entré dans l'obéissance du Fils unique. "II a appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion; et ainsi, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel". Enfin, la proclamation, à plusieurs voix, de a Passion de Notre Seigneur selon saint Jean. Le prêtre -c'est sa mission- est le porte-parole de Jésus, il est ordonné pour être le garant que cette parole est bien la Parole de Jésus. Parfois -et je le fais à la cathédrale le célébrant chante ces paroles du Christ. De la sorte, la liturgie catholique permet au célébrant de mieux s'effacer devant les paroles qu'il transmet. Un acteur peut faire oublier l'auteur. Le prêtre, lui, ne doit être ici qu'un porte-parole. Une telle proclamation revêt un caractère hiératique comme la consécration. Dans le récit de la Passion qui s'achève avec la mort du Christ, le Sacrifice eucharistique, d'une certaine façon, est commencé et le Verbe fait chair qui s'exprime dans la parole humaine nous rejoint en notre cœur et notre liberté.

Suit la prière "universelle", prière de l'Eglise que chacun fait sienne et prière de l'Eglise qui prie pour chacun. Selon une trame avec dix intentions fixes héritées d'une tradition fort ancienne, la catholicité de l'Eglise est solennellement exprimée dans une supplication pour tous les besoins du monde.

La liturgie de la Parole achevée, la Croix est dévoilée. Pour nous en Occident, la croix évoque d'abord l'atroce souffrance d'un supplicié, voire les cimetières, bref la mort. Mais, dans la tradition antique, la croix du Christ n'est pas le signe de la misère de l'homme anéanti par le mal. Elle signifie le triomphe de l'amour de Dieu; elle est la révélation de la gloire de Dieu. Lorsque le Christ entre dans sa Passion, sa gloire est cachée, c'est pourquoi la croix est voilée. Le Vendredi saint, la divinité miséricordieuse de Jésus de Nazareth éclate sur la croix -dévoilée- signe de victoire: " Voici le bois de la Croix qui a porté le salut du monde". Les fidèles, en procession, vénèrent la croix et reçoivent l'Eucharistie en union avec la Passion du Christ.

Puis, l'autel dépouillé, l'église demeure vide. L'Eglise est dans l'attente et l'espérance ».

Méditation du Cardinal Jean Marie Lustiger en 1988




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