Promouvoir l’accompagnement plutôt que banaliser l’avortement
Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail Bioéthique des évêques de France, publie ce texte dans FigaroVox ce 8 février 2022, au moment ou une évolution de la loi sur l’avortement est discutée à l’Assemblée Nationale.
La proposition de loi d’Albane Gaillot voudrait que le délai pour l’avortement passe de 12 à 14 semaines. Elle vise « à renforcer le droit à l’avortement » alors que le problème est celui des déficiences de notre système de santé. Elle prend le problème à l’envers !
À 14 semaines, si la gravité éthique de l’avortement est inchangée, la gravité médicale et éthique de l’intervention pour la femme s’accroît. C’est pourquoi le Collège des gynécologues-obstétriciens et l’Académie de médecine s’opposent à cet allongement.
Toute réflexion sur l’avortement considère deux êtres humains : la femme et celui qu’elle porte. Pour la loi Veil de 1975, l’avortement demeurait une exception au droit fondamental du « respect de la vie dès son commencement » (Code civil, 16). Sans oublier l’être en gestation, cette loi veillait à la santé des femmes en détresse, et voulait leur accompagnement. Aujourd’hui, la proposition de loi porte attention aux « droits de la femme », sans leur proposer d’accompagnement ; elle renforce la légalisation de l’oubli de l’être en gestation qu’une femme enceinte n’oublie pas.
Face à une grossesse non désirée, l’accueil de la vie pourrait être mieux organisé par l’État : familles d’accueil, adoption, associations. En 1970, Simone Veil a obtenu du Président de la République l’adoption d’enfants handicapés par l’association Emmanuel SOS Adoption (Ouest-France du 13/01/22).
Il existe des grossesses aux conséquences douloureuses, parfois par déficit de responsabilité dans la relation affective et sexuelle. D’où l’importance d’éduquer à cette responsabilité. Comment ne pas accompagner les femmes – parfois mineures – qui se sentent souvent seules pour décider : faut-il avorter ou garder l’enfant ? Cette question n’est pas anodine, tellement le lien entre la femme et la nouvelle vie en son sein est intime et existentiel. L’expérience l’atteste : selon un sondage IFOP d’octobre 2020, 92% des Français estiment que « l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes », et 73% pensent que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’interruption de grossesse ».
L’accompagnement est un droit. Il respecte la femme en lui permettant de recevoir des informations exactes et intégrales afin de discerner librement sa propre décision. Le temps est essentiel pour mûrir un tel choix, aussi bien pour elle que pour l’homme concerné. Ce temps peut conduire au choix de la vie, qui n’entraine pas de blessure psychologique et qui, sur la durée, laisse en paix. Promouvoir ce temps par la loi, c’est considérer avec justesse la personne et honorer sa capacité de réflexion.
Affirmer que l’avortement est un « droit fondamental », c’est banaliser cet acte qui est « toujours un drame » (Simone Veil). Dans la Convention européenne et la Déclaration universelle, l’avortement n’est pas un des « droits de l’Homme » et ne peut l’être : il est une exception au droit fondamental du respect de la vie. L’État a le devoir de protéger ce droit par une loi qui éduque au respect de ce droit. Promouvoir le respect de l’être en gestation et l’accompagnement des femmes en détresse témoigne de valeurs éthiques qui traduisent une vision cohérente de l’être humain. Celle-ci améliorerait l’élaboration de la loi de façon consensuelle entre le Sénat et l’Assemblée.
Le croyant en Dieu ne juge pas, quelle que soit la décision prise. Il sait que l’Amour de Dieu n’exclut personne et invite à l’accompagnement fraternel et respectueux.
Mgr Pierre d’Ornellas