Réaction d'un prêtre à une tribune d'intellectuels intitulée : "rouvrir les églises pour quoi faire ?"

"Rouvrir les églises pour quoi faire ?"

Telle est la question d'une tribune d'intellectuels dans La Croix du 3 mai qui se réjouissent de l'interdiction actuel du culte public. 
Ce serait, selon eux, une occasion de redécouvrir une église "domestique", enfin débarrassée de tout cléricalisme.

Pour avoir été aumônier de prison, d'hôpital et en psychiatrie, et parce que je m'occupe de femmes à la rue, 
ma réponse à ces intellectuels sera très claire. 
Les malades qui ne sont plus visités, çà ne vous fait rien ? 
Les personnes fragiles psychologiquement qui pètent  un plomb à cause du confinement, çà ne vous fait rien ? 
Les familles endeuillées qui ne peuvent se retrouver, çà ne vous fait rien ? 
Les sans logis qui se retrouvent en pleine détresse, çà ne vous fait rien ? 
La misère et le délabrement qui menacent bien des communautés chrétiennes de banlieue, çà ne vous fait rien ? 
Les familles qui étouffent dans des logements exigus et insalubres, çà ne vous fait rien ? 
Vous croyez qu'elles vivent les joies d'une Eglise domestique ? 
Les jeunes qui passent la journée à l'écran au lieu de se retrouver en aumônerie, çà ne vous fait rien ? 
L'Eucharistie est-elle au centre de notre vie, oui ou non ? 
Un certain Jésus pensait que oui, au point d'en faire un commandement : "faites ceci en mémoire de moi.". 
Moi prêtre, je rencontre des gens modestes, des petits, des démunis, et je les vois souffrir de la privation de cette assemblée où ils avaient la même dignité que les autres: l'assemblée eucharistique. 
L'Eucharistie, ce n'est pas le cléricalisme. L'Eucharistie, c'est Dieu avec son peuple, avec le peuple des petits et des pauvres qui arrivent de partout..  
En prison, ils étaient nombreux, les détenus non chrétiens qui venaient à la messe. 
L'un d'eux me disait : " Je ne crois pas en Dieu mais c'est le seul endroit où je le sente regardé comme un homme. » 
Alors soyons clairs : si la "purification" de l'Eglise doit se faire sur le dos des petits et des pauvres, cette purification ne m'intéresse pas. 
Le confinement imposé au culte est une vraie souffrance et une injustice. 
A niveau de sécurité égale, nos églises restent interdites à tout rassemblement, contrairement aux commerces où les files d'attente réunissent des centaines de personnes avec une distanciation variable. 
Cette discrimination ne respecte pas le droit des plus faibles à exercer leur liberté religieuse et de satisfaire leur besoin de spirituel. 
Les intellectuels croient pouvoir remplacer la messe par leurs livres et leurs méditations personnelles. 
A eux de se purifier de leur élitisme, et d'accepter humblement de rejoindre la masse des petits qui trouvent leur joie dans la fraternité eucharistique !
Père Philippe de Kergolay

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