Comment la Trinité se révèle le jour de Pâques ?
Pâques est le moment décisif où se révèle l’intimité trinitaire de Dieu. Mort et résurrection, l’événement constitue un aller et retour du Fils, dans l’Esprit, entre le monde et la maison du Père.
La Croix anticipe la Résurrection en ce qu’elle atteste la communion du Fils avec le Père qui sera pleinement réalisée au ciel, après la relève de Jésus d’entre les morts. Mais comment interpréter alors la fameuse interrogation lancée sur le Calvaire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » ?
Sortie hors du Père et retour vers le Père
La meilleure façon de répondre à cette question est d’envisager la Pâque du Fils de Dieu dans l’optique d’une théologie trinitaire. Car la Croix est événement trinitaire. Le Fils la vit dans l’Esprit. C’est « par l’Esprit éternel » (He 9, 14) qu’il s’offre au Père sur le Calvaire. Aussi existe-t-il deux façons d’envisager l’Esprit saint : la troisième Personne de la Trinité est à la fois le mouvement extatique de Dieu, le mouvement par lequel Dieu sort de soi vers l’extérieur, mais aussi l’intimité de Dieu, le nexus amoris (« lien d’amour ») du Père et du Fils, leur union personnelle.
« À la question douloureuse du Christ : “Pourquoi m’as-tu abandonné ?” succède en effet la remise confiante de son esprit entre les mains de Dieu. »
L’Esprit est donc successivement dilatation et concentration. En tant que mouvement divin extatique, l’Esprit fait sortir le Fils hors du Père, vers le monde. Cette dynamique ad extra atteint son paroxysme lorsque le Fils se vide de l’éclat de sa divinité sur la Croix, tandis qu’il plonge dans le monde de la mort et de la haine, tout à l’opposé de celui de Dieu. Inversement, le mouvement de concentration de l’Esprit pousse Jésus vers le Père : « Entre tes mains je remets mon esprit » (Lc, 23,46) dit-il avant d’expirer. La Croix récapitule la double dynamique de dilatation-concentration de l’Esprit qui impulse l’agir du Christ en faveur des hommes. À la question douloureuse du Christ : « Pourquoi m’as-tu
abandonné ? » (dilatation, sortie loin de la maison du Père) succède en effet la remise confiante de son esprit entre les mains de Dieu (concentration, retour à la maison paternelle).
L’Esprit, à l’origine de la Pâque de Jésus et à son terme
L’Esprit saint fait également office de lien entre les deux versants de Pâques à un autre niveau. En effet, il se trouve à la fois à l’origine de l’événement du sacrifice du Christ au Calvaire comme nous l’avons vu, et il en est également le fruit. Ressuscité, Jésus le livre en effet à ses disciples le dimanche de Pâque, dans l’Évangile de saint Jean (Jn 20, 22). L’Esprit est donc origine et fruit de l’événement pascal.
La Croix, prophétie de la Résurrection
Enfin, il existe un autre point commun entre la Croix et la Résurrection. La première prophétise la seconde. Comment ? Afin qu’advienne la Vie sans fin, il était nécessaire au préalable que l’Incarnation aille au bout du mouvement de sortie hors du Père de la seconde personne de la Trinité. Cet exode intégral atteindra son acmé au Calvaire. Jésus y démontre alors pleinement sa filiation divine. En effet, tenir autant à Dieu dans un échec pareil représente le témoignage irréfutable de son identité de Fils de Dieu. Aussi la Résurrection, opérée dans et par l’Esprit, en tant que communion céleste du Père et du
Fils, constitue-t-elle la parfaite manifestation de la Vérité essentielle de la Croix où les deux Personnes divines restaient si étroitement unies, quoique dans des conditions très différentes.
« L’échec de Jésus crucifié constitue paradoxalement la victoire absolue : Jésus est allé au bout de l’amour désintéressé sans renier son Père. »
L’échec de Jésus crucifié constitue paradoxalement la victoire absolue : Jésus est allé au bout de l’amour désintéressé sans renier son Père. Il est Sa vérité, la Révélation du Père dont l’Amour nous a livré ce qu’Il a de plus cher : Son propre Fils. De même qu’il n’existe qu’un seul Dieu en trois personnes, de même n’existe-t-il qu’un seul Amour, celui du Père, du Fils et de l’Esprit. Leur unité éclate autant sur la Croix qu’à la Résurrection : telle est l’une des plus importantes révélations contenues dans l’événement pascal.