Qui sont les pharisiens ?

À l’issue d’un congrès à Rome sur Jésus et les pharisiens, jeudi 9 mai, le pape François a demandé que ce groupe juif soit présenté de manière « plus appropriée » dans l’enseignement et les homélies catholiques.

Souvent qualifiés d’« hypocrites », les pharisiens sont considérés par certains juifs comme leurs ancêtres spirituels.


► Qu’a dit le pape François ?

Pour son 110e anniversaire, l’Institut biblique pontifical a organisé une conférence du mardi 7 au jeudi 9 mai sur « Jésus et les pharisiens », faisant intervenir des universitaires et des religieux chrétiens et juifs. Après trois jours de conférences, portant aussi bien sur l’histoire de ce groupe juif que sur sa représentation au cinéma ou dans les manuels de catéchisme, les 400 participants ont été reçus en audience par le pape, le 9 mai.

Sa prise de parole était particulièrement attendue, alors que certains rabbins se disent troublés de le voir citer régulièrement le Nouveau Testament de manière « cavalière » ou « paresseuse », quand Jésus dénonce la trop grande rigidité des pharisiens sur la Loi juive et leur oppose son propre message d’amour. Encore en octobre 2018, dans une homélie matinale, le pape François soutenait que les pharisiens étaient « pour ainsi dire inanimés » et qu’« il leur manquait la vie ».

« Le mot "pharisien" signifie souvent "personne hypocrite" ou "présomptueuse". Pour beaucoup de juifs, cependant, les pharisiens sont les fondateurs du judaïsme rabbinique et donc leurs ancêtres spirituels, a souligné le pape dans son discours de jeudi. L’histoire de l’interprétation a favorisé des images négatives des pharisiens, même sans une base concrète dans les récits évangéliques ».

Le pape a finalement encouragé les recherches historiques sur ce groupe juif et demandé qu’il soit présenté « de manière plus appropriée dans l’enseignement et dans les prêches ».

► Que sait-on des pharisiens ?

Si l’on dispose de peu d’éléments historiques sur ce groupe, son poids et la diversité de ses écoles, on sait qu’il s’agit d’un mouvement de renouveau spirituel d’Israël bien implanté au Ier siècle, surtout à Jérusalem.

« À rebours de son image de groupe ultra-légaliste, il s’agissait d’un mouvement réformateur, qui cherchait à faciliter la vie religieuse et parfois, sur certains points, à atténuer les rigueurs de la Loi », explique le père Marc Rastoin, jésuite et enseignant à l’Institut biblique pontifical, qui a participé à ce congrès.

Présents dans les écrits historiques de Flavius Josèphe, les pharisiens sont des protagonistes récurrents du Nouveau Testament, notamment dans l’Évangile selon saint Matthieu, où ils désignent souvent les adversaires de Jésus.

« C’est une construction rhétorique et littéraire, assure le père Rastoin. En réalité, les pharisiens avaient beaucoup de points communs avec Jésus et ses disciples : ils s’adressaient à tout le monde, croyaient en la résurrection des morts… Mais leur stratégie était différente, et passait notamment par la diffusion des rites de pureté. »

► Les juifs d’aujourd’hui sont-ils vraiment leurs héritiers ?

Les rabbins qui réorganisèrent le judaïsme après la destruction du Temple de Jérusalem en 70 apr. J.-C. n’ont guère fait mention de ce groupe religieux. « Ce silence de la première tradition rabbinique sur les pharisiens demeure un mystère, mais certains supposent que les rabbins voulaient ainsi rompre avec les étiquettes et les divisions », explique encore le père Rastoin.

À partir des Ve-VIe siècles, toutefois, les rabbins ont commencé à assumer le terme de manière plus positive, avançant que les pharisiens étaient peut-être leurs ancêtres.

De leur côté, les chrétiens de l’époque avaient, semble-t-il, déjà tendance à assimiler l’ensemble des juifs aux pharisiens. Conséquence, ce stéréotype négatif – pharisiens « perfides » et « hypocrites » – a alimenté des siècles d’antijudaïsme chrétien.

Pour le rabbin David Rosen, directeur des affaires interreligieuses du Comité juif américain (AJC), interrogé par l’AFP, la mention isolée du mot pharisien « ne transforme pas quelqu’un en antisémite », mais « c’est clairement un élément de l’antisémitisme ».

Ce congrès organisé à Rome se situe dans la lignée de la déclaration Nostra aetate, du Concile Vatican II, qui avait donné un nouveau départ aux relations entre catholiques et juifs après sa promulgation en 1965.


  • La Croix - Mélinée Le Priol





























 

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