Grands-parents : « Laissons-nous enseigner par ces maîtres de sagesse »

 


"Ils portent encore des fruits dans la vieillesse" (Ps 92, 15). C'est le thème de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, célébrée dans l’Église ce 24 juillet 2022. Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, relaie l’appel du pape François pour les "faire vivre en plénitude".

En instituant la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, le pape François attire l’attention sur un « nouveau peuple » : « Depuis plusieurs décennies, cet âge de la vie concerne un véritable “nouveau peuple” que sont les personnes âgées. Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire humaine ». La date du quatrième dimanche de juillet renvoie au 26 juillet, jour où sont fêtés les grands-parents de Jésus, saints Joachim et Anne. Quel Breton ne connaît pas le célèbre Pardon de sainte Anne, la « grand-mère des Bretons », à Sainte-Anne d’Auray ? Comme le rôle des grands-parents, parfois veufs, est important pour leurs petits-enfants ! Ils sont des acteurs précieux de transmission des valeurs fondamentales, de la foi en Dieu et de son infinie bonté.

Une prophète : Jeanne Jugan

Mais en Bretagne, cette Journée trouve un autre écho avec Jeanne Jugan, née à Cancale en 1792. Elle reçut une mission originale : « Dieu me veut pour lui. Il me garde pour une œuvre qui n’est pas connue, une œuvre qui n’est pas encore fondée. « Ce sera l’œuvre des Petites Sœurs des pauvres qui, de façon nouvelle, avec bienveillance et amour, accueille et accompagne des personnes âgées. Au XIXe siècle, Jeanne fut prophète pour notre temps qui a mission de veiller sur ce « nouveau peuple ». Elle ne cessa de répéter : « Soyez bonnes envers les vieillards, surtout les infirmes, aimez-les bien les petits vieux. » À sa mort, le 29 août 1879, il existait 177 Maisons des Petites Sœurs des pauvres dans plusieurs pays ! L’Église en son Magistère écoute cette prophétie et la reçoit comme parole venant de Dieu pour aujourd’hui.

Hier, saint Jean Paul II écrivit aux personnes âgées dont il se sentait « proche par le cœur »: « Les personnes âgées aident à prendre tous les événements d’ici-bas avec plus de sagesse, car les vicissitudes les ont dotées d’expérience et de maturité. Elles sont les gardiennes de la mémoire collective et, pour cette raison, les interprètes privilégiées de l’ensemble de valeurs et d’idéaux communs qui règlent et guident la convivialité sociale » (Lettre aux personnes âgées, 1999, n. 10). Aujourd’hui, le Pape consacre ses catéchèses à « la vieillesse » . Elles prennent appui sur des modèles tirés de l’Écriture Sainte. Elles encouragent à prendre soin des personnes âgées tout en fustigeant, selon l’habituelle rhétorique de François, la « culture du rejet ». Écoutons-le : 

« L’allongement de la vie influe de façon structurelle sur l’histoire des personnes, des familles et de la société. Mais nous devons nous demander : sa qualité spirituelle et son sens communautaire sont-ils un objet de pensée et d’amour cohérents avec ce fait ? Les personnes âgées devraient-elles demander pardon pour leur obstination à continuer de vivre aux frais des autres ? Ou peuvent-elles être honorées pour les dons qu’elles apportent au sens de la vie de tous ? De fait, dans la représentation du sens de la vie — et précisément dans les cultures dites “développées” — la vieillesse a peu d’incidence. Pourquoi ? Parce qu’elle est considérée comme un âge qui n’a pas de contenus particuliers à offrir, ni de significations propres à vivre » (Catéchèse, 23/2/2022).

L’urgence, pour la vie en plénitude

Devant ce « vide de pensée, d’imagination, de créativité », le Pape souhaite qu’il y ait « des projets pour les faire vivre en plénitude ». Voilà l’urgence ! D’abord en famille : « Chacun d’entre nous peut penser aujourd’hui aux personnes âgées de la famille : comment est-ce que j’entretiens des relations avec elles, est-ce que je me souviens d’elles, est-ce que je leur rends visite ? Est-ce que je veille à ce que rien ne leur manque ? Est-ce que je les respecte ? […] est-ce que je les efface de ma vie ? Ou est-ce que je vais vers elles pour trouver la sagesse, la sagesse de la vie ? » (Catéchèse, 1/6/ 2022). En politique ensuite : donner les moyens — humains et financiers — avec les compétences adéquates afin que les personnes âgées puissent être accompagnées le mieux possible et demeurer présentes au sein de la société comme des membres actifs, bien que fragiles, avec leur apport propre pour le bien de tous. Comment l’État va-t-il promouvoir les « valeurs » qui, ensemble font barrage à la maltraitance, et donnent sens et légitimité à l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ?


Grâce à cette Journée mondiale, laissons-nous enseigner par les maîtres de sagesse que sont nos chères personnes âgées.

Enfin, pour une vision anthropologique : considérer en vérité les personnes âgées comme un « trésor » (ibid.) indispensable pour notre « vivre ensemble », pour les accompagner avec la créativité qui adapte les soins à chacune d’entre elles, marquée par la vulnérabilité au soir de sa vie. Les soins palliatifs méritent d’être une « cause nationale » car chaque personne qui en a besoin et qui y a droit, selon la loi du 9 juin 1999, doit pouvoir en bénéficier. C’est loin d’être le cas sur le territoire.

Le « magistère de la fragilité »

La légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté manquerait de respect pour ces personnes âgées en leur faisant porter un poids supplémentaire, celui de devoir choisir entre vivre ou mourir, voire de se sentir coupables de choisir de vivre, selon la douce injonction immémoriale que le Peuple d’Israël a entendue : « Choisis donc la vie » (Dt 30, 19), et qui brille en la conscience de toute personne qui sait qu’elle ne sera jamais abandonnée sur son chemin de vie. Cette légalisation serait aussi un manquement à la loi de 1999, une consécration du « vide de pensée » et une grave négation de la « fraternité ». Celle-ci, honneur de la civilisation vraiment humaine, nous convie à prendre soin de nos aînés jusqu’à leur dernier souffle, sans qu’ils souffrent et sans acharnement thérapeutique, dans le respect de leur « confort », de leur inaltérable « dignité » et de leur « place de sagesse » (Catéchèse, 23/2/ 2022) au sein de la société où elles sont une « ressource pour une jeunesse insouciante » (Catéchèse, 16/3/2022).

Cette vie familiale, cette action politique et cette vision s’inspirent du « magistère de la fragilité » (Catéchèse, 1/6/2022), inhérent à toute société vraiment digne de l’humanité. Grâce à cette Journée mondiale, laissons-nous enseigner par les maîtres de sagesse que sont nos chères personnes âgées. Bienheureux leurs soignants, leurs aidants et les bénévoles qui se mettent à l’école de ce « magistère » et qui entendent en leur conscience : « Choisis donc la vie. » Ils ont grand besoin d’être soutenus par l’État et par la société. En leur honneur, où qu’ils soient et quelles que soient leurs convictions spirituelles ou religieuses, une magnifique statue de la prophète Jeanne Jugan sera inaugurée à la Vallée-des-Saints en Bretagne le 28 août prochain.

























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