Conte de Noël : Couac et Coronette, les deux poules rousses de Noël

 


L’aube de Noël s’était levée, vive et rose comme les jeunes filles encore timides. Elle embrassait la gelée des jardins, glissait sur la rivière, et de sa caresse, semblait rendre sa jeunesse à l’antique chêne qui, pourtant, en avait vu d’autres. Anna laissait son regard se perdre dans le matin ensommeillé. Elle croyait encore deviner au loin la chère silhouette un peu tassée, la démarche chaloupée, le geste de la main.

C’était hier. Yoyo était à la grille. Il soulevait à grand peine une sorte d’étrange paquet très large, et un peu plus haut que sa tête. Elle était accourue, empressée, soupesant l’objet de ses yeux rieurs. Qu’avait-il bien pu apporter? Cela semblait tout de même légèrement plus vaste qu’un stylo plume ou qu’un bouquet de fleurs et d’ailleurs, ce n’était pas son anniversaire.

Ces deux-là étaient aussi peu assortis que possible mais ils s’aimaient vraiment beaucoup. Lorsqu’elle l’avait connu, Yoyo vivait dans une caravane à la mine triste et délabrée. Anna lui avait rendu visite. Il faisait très froid dans cette caravane. La lucarne fêlée laissait passer un vent mesquin qui vous sifflait dans le cou et provoquait des engelures sur les doigts. Finalement, à force de bavarder ou de rester en silence l’un près de l’autre, l’homme et la belle étaient devenus amis.

Dans le paquet, ce jour-là, sous l’œil mi-farceur mi-enchanté de Yoyo, Anna avait découvert… deux poules. Bien rousses et bien dodues comme il faut que soient des poules. On les avait baptisées Coronette et Couac. Il est parfois nécessaire de lancer un magistral et gai pied de nez aux périodes difficiles. On avait beaucoup ri. Les enfants avaient poussé des cris de joie et se disputaient désormais chaque soir pour déterminer qui coucherait les deux princesses.

Mais au début de l’Avent, Yoyo s’était senti fatigué. Il habitait désormais un logement social et, dans son jardin, il y avait un pigeonnier. Il soignait ses pigeons. Puis, juste avant Noël, Yoyo s’était éteint, tout doucement. Il était à peine enterré. Le matin de la Nativité avait surgi, et il fallait apprivoiser le silence assourdissant de Yoyo dans un monde vidé de lui. Anna prit le grain pour les poules, ouvrit la porte de l’enclos. Et là, stupeur, elle vit, à côté des deux roussettes bien sages et bien tranquilles, une nouvelle, une inconnue, une toute blanche qui avait atterri dans le foin on ne sait par quel enchantement. Une larme tomba dans son sourire : ça ne pouvait être qu’un clin d’œil de Yoyo… Il était bien arrivé et il livrait son cadeau de Noël.

Le soir, comme les cloches sonnaient vêpres, Anna aperçut la voisine de Yoyo qui venait saluer l’Enfant Jésus. Au récit de l’étonnante histoire, celle-ci sourit drôlement et dit: " Chez nous aussi, il y a un pigeon de plus dans le pigeonnier! " 


Aleteia, Bénédicte Delelis et publié initialement sous le titre : « Mourir, vivre » dans le Compagnon de l’Avent 2021 (Magnificat)















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