Saint jour de Noël

 

« Dans son Évangile, saint Jean, allant à l’essentiel, a approfondi la brève allusion de saint Luc sur la situation à Bethléem : « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (1, 11). (…) Cela concerne en réalité l’humanité tout entière : Celui par lequel le monde a été fait, le Verbe créateur, entre dans le monde, mais il n’est pas écouté, il n’est pas accueilli. Ces paroles, en définitive, nous concernent nous, chacun en particulier et la société dans son ensemble. Avons-nous du temps pour le prochain qui a besoin de notre parole, de ma parole, de mon affection ? (…) Avons-nous du temps et de l’espace pour Dieu ? Peut-il entrer dans notre vie ? (…) Grâce à Dieu, l’élément négatif n’est pas l’unique ni l’ultime que nous trouvons dans l’Évangile. De même qu’en Luc nous rencontrons l’amour de la Vierge Mère Marie et la fidélité de saint Joseph, la vigilance des bergers ainsi que leur grande joie, de même qu’en Matthieu nous assistons à la visite des Mages, pleins de sagesse, venus de loin, de même aussi Jean nous dit : « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, … il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (1, 12). (…)

Le message de Noël nous fait reconnaître l’obscurité d’un monde clos, et il illustre ainsi, sans aucun doute, une réalité que nous rencontrons quotidiennement. Mais il nous dit aussi que Dieu ne se laisse pas mettre dehors. Il trouve un espace, même s’il faut entrer par une étable ; on trouve des personnes qui voient sa lumière et qui la transmettent. A travers la parole de l’Évangile, l’Ange nous parle à nous aussi et, dans la sainte liturgie, la lumière du Rédempteur entre dans notre vie. Que nous soyons bergers ou sages – sa lumière et son message nous appellent à nous mettre en chemin, à sortir de notre enfermement dans nos désirs et dans nos intérêts, pour aller à la rencontre du Seigneur et pour l’adorer. Nous l’adorons en ouvrant le monde à la vérité, au bien, au Christ, au service des personnes marginalisées, dans lesquelles Lui nous attend. (…) Dans ses homélies de Noël, Grégoire de Nysse a développé la même perspective en partant du message de Noël dans l’Évangile de Jean : « Il a planté sa tente parmi nous » (1, 14). Grégoire applique ce mot de tente à la tente de notre corps, devenu usé et faible, toujours exposé à la douleur et à la souffrance. Et il l’applique au cosmos tout entier, lacéré et défiguré par le péché. (…) Ainsi, selon la vision de Grégoire, dans le message de Noël, l’étable représente la terre maltraitée. Le Christ ne reconstruit pas un palais quelconque. Il est venu pour redonner à la création, au cosmos, sa beauté et sa dignité : c’est ce qui est engagé à Noël et qui fait jubiler les anges. La terre est restaurée précisément par le fait qu’elle est ouverte à Dieu, qu’elle retrouve sa vraie lumière ; et, dans l’harmonie entre vouloir humain et vouloir divin, dans l’union entre le haut et le bas, elle retrouve sa beauté, sa dignité. Aussi, la fête de Noël est-elle une fête de la création restaurée.

À partir de ce contexte, les Pères interprètent le chant des anges dans la Nuit très sainte : il est l’expression de la joie née du fait que le haut et le bas, le ciel et la terre se trouvent de nouveau unis ; que l’homme est de nouveau uni à Dieu. Selon les Pères, le chant que désormais les anges et les hommes peuvent chanter ensemble fait partie du chant de Noël des anges ; c’est ainsi que la beauté du cosmos s’exprime par la beauté du chant de louange. Le chant liturgique – toujours selon les Pères – possède une dignité particulière parce qu’il unit le chant de la terre aux chœurs célestes. C’est la rencontre avec Jésus Christ qui nous rend capables d’entendre le chant des anges, créant ainsi la véritable musique qui disparaît quand nous perdons la possibilité de chanter ensemble et d’écouter ensemble. Dans l’étable de Bethléem, le ciel et la terre se rejoignent. Le ciel est venu sur la terre. C’est pourquoi, de là émane une lumière pour tous les temps ; c’est pourquoi, là s’allume la joie ; c’est pourquoi, là naît le chant (…) Le ciel n’appartient pas à la géographie de l’espace, mais à la géographie du cœur.

Et le cœur de Dieu (…) s’est penché jusque dans l’étable : l’humilité de Dieu est le ciel. Et si nous entrons dans cette humilité, alors, nous toucherons le ciel. (…) Avec l’humilité des bergers, mettons-nous en route (…) vers l’Enfant dans l’étable ! (…) Alors, sa joie nous touchera et elle rendra le monde plus lumineux. Amen » Pape Benoît XVI


« L'Événement de Noël échappe aux caméras (…) L'Événement est là, fragile et offert, comme le regard de l'Enfant. Il est là, en nous, en chacun de nous. Le Sauveur nous accorde le don de son Amour, amour jamais épuisé, amour à chaque souffle renouvelé. Parmi nous, il est des âmes blessées et des cœurs durcis. Ce soir, Dieu frappe à la porte pour les guérir et les pacifier. Parmi nous, il est des êtres que les violences ont fait sombrer dans la haine. L'Enfant, silencieusement, les invite à désarmer et à pardonner, puisqu'il leur apporte le pardon. 

Parmi nous, il est des frères ennemis. Cette nuit, le Fils de Dieu se fait notre frère ; il les prend chacun par la main et les invite à s'embrasser de nouveau. 

Parmi nous, il est des enfants perdus qui pensent n'être aimés de personne. Ce soir, notre Père des cieux les appelle à découvrir, en regardant l'Enfant et sa Mère, qu'ils sont, eux aussi, ses fils et ses filles aimés. Parmi nous, il est de pauvres croyants que le doute paralyse. Ce soir, la Lumière « qui luit dans les ténèbres» vient les chercher. (…)  

En la grâce de cette nuit, quelle que soit votre pauvreté, vous recevrez la joie de partager, vous aussi. Ainsi, invisible, l'Événement de cette nuit trace la route de l'Amour. Cette nuit de Noël n'est pas une fête sans lendemain. Elle est un pas de plus dans l'œuvre du Salut des hommes. Car le Messie, le Seigneur Jésus ne cesse de l’accomplir en ses frères, et donc en vous aussi. Un pas qu'il vous invite à faire avec lui (…) »  

Cardinal Jean Marie Lustiger

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