Grandes Antiennes Ô de l'Avent - 20 décembre

O Clavis David et sceptrum domus Israël, qui aperis, et nemo claudit, claudis, et nemo aperit : veni, et educ vinctum de domo carceris, sedentem in tenebris, et umbra mortis. 

Ô Clé de David, ô Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira : Viens, Seigneur, et arrache les captifs établis dans les ténèbres et la nuit de la mort.

La clé, c’est la Croix

La quatrième antienne Ô invoque le Christ « Clé de David et sceptre de la maison d’Israël ». La continuité thématique avec l’antienne précédente est évidente : il s’agit de souligner l’insertion du Christ dans la dynastie davidique, à la fois royale et messianique. Isaïe est de nouveau convoqué, qui faisait dire à Dieu : « Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule, s’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira » (Is 22, 22). La suite du passage est d’ailleurs intéressante, qui porte : « Et je l’enfoncerai comme un clou en un lieu solide ; il deviendra un trône de gloire pour la maison de son père. On y suspendra toute la gloire de la maison paternelle » (Is 22, 23-24). La clé que le Christ porte sur son épaule est bien la Croix, sur laquelle Il est enfoncé comme un clou, mais qui devient le trône de sa gloire : suspendu à la Croix glorieuse, le Christ est fait Seigneur sur toute la maison de son Père. Ce que le Christ était par droit de naissance (roi et seigneur de l’Univers), Il le devient plus encore par droit de conquête sur la Croix : c’est à la Croix, après avoir été couronné d’épines et revêtu de la pourpre royale, qu’il peut recevoir le sceptre de la maison d’Israël et mériter le titre que Pilate à fait inscrire sur l’écriteau au-dessus de Lui : « Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs ».

Le Christ et l’Église, c’est tout un

La Croix est la clé des Écritures, la clé de la Révélation, mais aussi la clé du Ciel. Le Christ, juge des vivants et des morts, prononce des sentences définitives : celui auquel Il ouvre le Ciel connaîtra la béatitude éternelle et nul ne pourra l’en priver ; celui auquel Il ferme le Ciel connaîtra la damnation éternelle, dont nul ne pourra le sortir. Cette interprétation est d’ailleurs celle de saint Jean, qui réemploie cette image dans l’Apocalypse dans un contexte de Jugement : « Ainsi parle le Saint, le Vrai, celui qui détient la clef de David : s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira » (Ap 3, 7). Ce pouvoir est confié par le Christ à l’Église, et particulièrement à Pierre et ses successeurs : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié » (Mt 16, 19). Ainsi est manifesté que le Christ et l’Église, c’est tout un, jusque et y compris dans l’ordre du Jugement.

Il faut souligner que, dans l’économie de la Rédemption, le Christ est à la fois le chemin qui mène à la Vie, la Vie elle-même et donc le but du chemin, mais encore la porte qui y fait entrer, et enfin la clé qui permet d’ouvrir cette porte (Mt 7, 13-14 ; Jn 10, 7 ; Jn 14, 6). C’est dire qu’Il est bien l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, à la fois prêtre, victime et autel du culte parfait qui plaît à Dieu. On peut noter au passage que la clé et le sceptre sont deux symboles associés : la clé donne le pouvoir sur la maison domestique, comme le sceptre donne le pouvoir sur la maison au sens de la dynastie et du peuple sur lequel cette dynastie règne. Le Christ a donc pouvoir à la fois sur l’intime des cœurs, et sur la marche des événements dans les sociétés humaines. Il est donc le roi par excellence, celui que le peuple d’Israël espérait pour l’avenir, seul à pouvoir légitimement prétendre au sceptre et issu de lui : « Je le vois — mais non pour maintenant, je l’aperçois — mais non de près : un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24, 17).

L’espérance d’Israël

L’antienne conclut : « Viens sortir de la maison de captivité celui qui est assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort. » Cette supplication résonne de multiples échos dans l’Écriture : « Moi, YHVH, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai saisi par la main, et je t’ai modelé, j’ai fait de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres » (Is 42, 7) ; « Habitants d’ombre et de ténèbres, captifs de la misère et des fers, pour avoir bravé l’ordre de Dieu et méprisé le projet du Très-Haut, il ploya leur cœur sous la peine, ils succombaient, et pas un pour les aider. Et ils criaient vers YHVH dans la détresse, de leur angoisse il les a délivrés, il les tira de l’ombre et la ténèbre et il rompit leurs entraves » (Ps 107, 10-14). C’est vraiment l’espérance d’Israël, jusqu’au temps du Messie, que de voir l’avènement de celui qui pourrait les tirer de la prison, des ténèbres et de la mort. Zacharie reflète fidèlement dans son cantique cette tradition dont il est le dernier maillon ; son fils Jean-Baptiste doit ouvrir le chemin de celui qui vient « pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas dans le chemin de la paix » (Lc 1, 79).

Le soleil de justice qui vient nous délivrer

C’est la prison et les ténèbres du péché, de l’ignorance et de la faiblesse, dont Jésus-Christ vient délivrer l’humanité. Le pécheur est « assis » dans les ténèbres, parce que le péché l’a recroquevillé sur lui-même, l’a courbé comme le serpent.  Jésus vient relever le pécheur, le libérer de ses chaînes pour en faire un homme debout, libre sous la grâce. Saint Jean de la Croix fait remarquer que les chaînes qui nous entravent dans notre ascension vers le Ciel sont parfois seulement un fil, un péché infime, mais auquel nous sommes littéralement attachés, que nous hésitons à couper. C’est celui-là qu’il faut discerner pour le couper et s’envoler vers le Ciel. Dans ce combat, le Christ est le soleil de justice, la lumière qui transperce les ténèbres du péché. Le péché est comme une maison, où l’on se complaît : on s’y sent chez soi, et on y vit dans l’obscurité, craignant la lumière parce qu’elle fait la vérité sur les zones d’ombre de notre vie. C’est la prison non pas de notre corps, mais de notre condition humaine déchue, dont Jésus vient nous délivrer en la restaurant dans sa splendeur première.







Articles les plus consultés