Souccot : comprendre le rite des quatre espèces
Lors des prières de Souccot, il est de coutume d'agiter un bouquet formé de quatre espèces de végétaux ©David Cohen/Flash90
La "fête des cabanes" débute ce lundi 20 septembre et s'étalera sur sept jours. En plus de réaliser leurs activités quotidiennes dans une "soucca", les juifs doivent prier avec des bouquets composés de quatre espèces de végétaux, méticuleusement choisies.
Dans la famille des fêtes juives automnales, je demande… Souccot ! Après l’austérité de Rosh Hashana (le nouvel an dans le calendrier hébraïque) et de Yom Kippour (Jour de l’Expiation), le temps est à la joie chez les juifs pratiquants, qui célèbrent la « fête des cabanes » entre les 20 et 27 septembre cette année. C’est l’une des trois fêtes de pèlerinage prescrites par la Torah (avec Pessah et Chavouot).
Sept jours durant, les juifs vont réaliser la plupart de leurs activités quotidiennes dans une « Soucca », une petite cabane construite selon un cahier des charges très précis, à l’extérieur des maisons ou sur les balcons des appartements. Il s’agit en général d’y prendre des repas en compagnie d’invités, parfois d’y dormir. Ces habitations temporaires commémorent l’exode d’Egypte et rappellent l’assistance divine dont les Hébreux ont bénéficié lors de leur fuite. Au-delà de sa dimension biblique, Souccot est aussi une fête agricole qui célèbre l’abondance des récoltes et appelle à des pluies généreuses.
Derniers ajustements de la soucca où cette famille mangera et dormira pendant sept jours ©Cécile Lemoine/TSMSe promener à Mea Shéarim, le quartier juif ultra-orthodoxe de Jérusalem, dans les jours qui précèdent Souccot, c’est plonger dans un monde à part. Flot continu de personnes habillées tout en noir, dernier coup de visseuse sur les souccot, achat des feuilles de palmiers destinées à les recouvrir, et surtout, quête minutieuse des meilleurs végétaux en vue du rite des « Quatre espèces ». Avec la soucca, c’est l’autre rituel phare de cette grande fête du judaïsme.
Le bonheur par l’unité
Il est prescrit, dans le Lévitique, d’avoir pour la fête un bouquet réunissant quatre espèces végétales : une branche de palmier, trois rameaux de myrte, deux branches de saule et un cédrat (l’équivalent d’un gros citron). Il est ensuite d’usage de les agiter dans six directions différentes. Un rituel qui s’effectue aussi bien à la synagogue que dans les souccot. Dans l’interprétation qu’en fait la cabalistique (ésotérisme juif), chacune de ces espèces incarne un type de personne.
- Le cédrat (Etrog), avec son bon goût et sa bonne odeur, représenterait les personnes qui possèdent la sagesse (l’étude de la Torah) et accomplissent de bonnes actions.
- La myrte (Hadas), qui possède une bonne odeur mais n’est pas comestible, incarnerait les personnes qui accomplissent de bonnes actions mais n’acquièrent pas la connaissance.
- La branche de palmier (Loulav), comestible mais inodore, renverrait aux personnes qui possèdent la sagesse mais ne font pas de bonnes actions.
- La feuille de saule (Aravah), qui n’a ni goût ni odeur, correspondrait aux personnes qui n’étudient pas la Torah et n’accomplissent pas de bonnes actions.
« La tradition juive dit donc que pour être heureux, il faut être unis et rassemblés, comme les quatre éléments de ce bouquet, qui agité dans toutes les directions, englobe toute l’humanité », explique le philosophe Marc-Alain Ouaknin dans l’émission A l’origine diffusée sur France 2.
Impératifs de qualité
Un autre texte cabalistique, le Sefer Habahir rédigé il y a près de 2000 ans, assimile chacune des quatre espèces à différentes parties du corps. Le cédrat représente ainsi le coeur, siège des émotions ; la myrte évoque les yeux ; la branche de palmier serait la colonne vertébrale, et les feuilles de saule incarneraient les lèvres, donc la parole. « Nous devons utiliser toutes nos facultés à l’unisson pour atteindre le bonheur. Nous devons unifier nos sentiments, nos actions, notre discours, notre aspect extérieur, dans une certaine cohérence. Ce n’est qu’alors que nous pourrons ressentir joie, sérénité et tranquillité d’esprit », interprète le rabbin Shraga Simmons sur son site d’éducation au judaïsme « Aish ».
Les juifs pratiquants se procurent les différentes espèces lors de marchés qui se tiennent entre Yom Kippour et Souccot. Chacune doit répondre à des impératifs de qualité pointilleux. Le cédrat ne doit par exemple être ni trop mou, ni trop sec, sa peau doit être intacte. Les feuilles de dattier, de saules et de myrtes doivent quant à elles respecter des tailles minimales et ne présenter aucun défaut (feuilles rectilignes, entières…). Il est d’ailleurs recommandé d’« embellir la prescription » en achetant les espèces de la meilleure qualité possible, et en les faisant contrôler par une autorité rabbinique compétente. Il y a de quoi chercher la petite bête.
Terresainte.net, Cécile Lemoine 20 septembre 2021