Quand Jean Paul II a vu le World Trade Center s’effondrer

 

Il y a 20 ans, le 11 septembre 2001, les États-Unis subissaient les plus graves attaques terroristes de leur histoire. Comment le pape Jean Paul II a-t-il été informé de cet événement qui allait changer l’histoire ? Récit.

Ce devait être une journée ordinaire pour Jean Paul II. Le 11 septembre 2001, le pontife polonais se trouve encore dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo. À 80 ans, il profite de la fraicheur de ce palais niché sur les collines d’Albano, à une heure de Rome.

Dans l’après-midi, le téléphone sonne. Au bout du fil : Joaquín Navarro-Valls, son très fidèle directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. C’est lui qui lui apprend l’impensable : deux avions de ligne viennent de s’écraser dans les Tours jumelles du World Trade Center. L’Amérique est en train de faire face à une attaque terroriste d’une ampleur sans précédent. « Je lui ai dit ce qui se passait. Je lui ai parlé des images terribles que CNN diffusait en direct. On pouvait voir des gens désespérés se jeter des deux gratte-ciel », racontera-t-il plus tard dans une interview à La Stampa.

Jean Paul II est « profondément secoué ». Comment un attentat « aussi odieux » peut-il bien arriver ?, se demande-t-il à demi-mot. Sous le choc, le chef de l’Église catholique allume la télévision et découvre l’horreur de l’attaque. Comme le monde entier, il devient le spectateur hagard de l’effroyable chaos. « Il est resté peu de temps devant la télévision. Puis il s’est retiré dans la petite chapelle, qui se trouve à quelques pas de la salle de télévision. Et il est resté longtemps en prière », racontera l’ancien porte parole du Pape.

En parallèle, Jean Paul II cherche à joindre le président américain George W. Bush pour être l’un des premiers à lui faire part de sa douleur et de sa proximité. Mais le chef de la première puissance mondiale est injoignable. On apprendra par la suite qu’il se trouvait à bord du Air Force One, à 40.000 pieds au dessus de la terre, pour garantir sa sécurité dans ce moment de confusion absolue. Le Pape lui envoie alors un télégramme dans lequel il exprime sa « profonde tristesse » et sa « proximité dans la prière » en « ce moment sombre et tragique ».

Le jour d’après

Le lendemain des attentats du 11 septembre, alors que les cendres du Word Trade Center sont encore brûlantes et que les États-Unis comptent leurs morts, le pape Jean Paul II est à Rome. Comme chaque mercredi, il doit prononcer sa traditionnelle catéchèse à l’occasion de l’audience générale. Depuis mars 2001, il s’est lancé dans un enseignement sur les psaumes et les cantiques de la prière des Laudes. Mais alors que le monde entier à les yeux rivés sur New-York, il choisit d’interrompre son cycle pour consacrer l’audience aux événements de la veille.

« Je ne peux commencer cette audience sans exprimer ma profonde douleur pour les attaques terroristes de la journée d’hier qui ont ensanglanté l’Amérique en causant des milliers de victimes et de très nombreux blessés », commence le successeur de Pierre, devant 25.000 personnes rassemblées sur la place Saint-Pierre. Le silence qui accompagne le discours du Pape impressionne.

La journée d’hier a été une journée sombre dans l’histoire de l’humanité, un affront terrible à la dignité de l’homme.

« La journée d’hier a été une journée sombre dans l’histoire de l’humanité, un affront terrible à la dignité de l’homme », s’indigne-t-il. Et de s’interroger : « Comment des épisodes d’une cruauté aussi sauvage peuvent-ils avoir lieu ? »

En réponse à la stupéfaction et aux larmes, le pape promet que « le mal et la mort n’auront pas le dernier mot. Ici se trouve l’espérance chrétienne ». Puis, pour montrer sa proximité avec le peuple américain, c’est en anglais qu’il décide de conclure son discours, demandant à Dieu d’accorder « au peuple américain la force et le courage dont il a besoin en ce moment de douleur et d’épreuve ».

Fait rare : durant toute l’audience, on n’entendra aucun applaudissement, des consignes ayant été transmises en amont.

Le 13 septembre 2001, le Pape rencontre pour la première fois le nouvel ambassadeur des États-Unis près du Saint-Siège, James Nicholson. Là, l’évêque de Rome confie au diplomate que les attaques du 11 septembre n’ont pas visé uniquement les États-Unis mais toute l’humanité. Au National Catholic Register, Nicholson affirmera dix ans plus tard que le Pape lui aurait confié qu’ils devraient « arrêter ces gens qui tuent au nom de Dieu ».

La paix plutôt que la violence

Dix jours plus tard, le pape se rend – comme il était prévu – au Kazakhstan, dont la frontière sud n’est qu’à quelques heures de l’Afghanistan. Alors que l’Amérique se prépare à frapper les bases d’Al-Qaïda en représailles aux attaques du 11 septembre, le pape profite de ce déplacement pour lancer un appel à la paix. Le 23 septembre, à Astana – aujourd’hui renommé Nur-Sultan –, le Pape conclut son Angélus en anglais : « Nous ne devons pas laisser ce qui est arrivé accroître les divisions. La religion ne doit jamais être un motif pour justifier un conflit ».

Pressentant déjà que le monde vient de basculer, il invite « les chrétiens et les musulmans à élever une intense prière vers l’Unique Dieu tout-puissant, qui nous a tous créés, afin que le bien fondamental de la paix puisse prévaloir dans le monde ».

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