Liturgie : "Enjeu du chant en paroisse par Louis Groslambert"

Enjeu du chant en paroisse par l'abbé Louis Groslambert 
Responsable de PLS et de Musique liturgique du diocèse de Belfort-Montbéliard 

Avant de parler du chant, ou pour parler du chant en pastorale, s’impose à moi le devoir de mettre en place des avertissements de nature psychologique. 
La question du chant en paroisse est d’abord une question de relations humaines et de ‘vivre ensemble’ avant d’être une question de musique ou de qualité poétique ou théologique des textes. Prudence ! Je sais que je pratique la prudence, j’espère que j’en parlerai avec prudence… parce que le chant fait partie des choses qui ont rapport au goût personnel, donc à ce à quoi chacun tient… et parce que les personnes en responsabilité sont souvent au maxi de leur compétence et qu’il faut les traiter avec précaution (« j’aurais beau avoir tous les diplômes si je n’ai pas la charité… ». Je pourrais peut-être parler de ce qui me semblerait idéal, dans l’abstrait ; la paroisse oblige à en parler dans le concret ; les relations pastorales obligent à appliquer cet idéal avec modération et tact. 

1. Il faut partir des personnes et pas des grandes théories sur le chant. 
La variété des fidèles d’une communauté quant à leurs goûts musicaux ou à l’histoire de leur foi est à prendre en compte. Dans la paroisse, il y a des gens classiques, des nostalgiques de grégorien, des charismatiques, des fans de tel auteur compositeur interprète, ou des gens qui appartiennent à des courants qui ont leurs propres chants et qui rêvent que tous les paroissiens s’approprient ces chants… tous des gens qui n’ont pas de recul par rapport aux chants qu’ils rêvent. Les chants s’évaluent selon des critères ; mais si celui qui a assez de recul pour faire une évaluation fait une évaluation négative, peut-il tout refuser aux membres de ces courants, sans nier leur appartenance à la communauté ? Même cas de figure avec les catéchistes : des chants sont fournis par les éditeurs avec CD pour la catéchèse : il faut appliquer des critères à ces chants et si l’étude est négative, peut-on refuser tous les chants de la catéchèse dans les célébrations de toute la communauté ? L’idéal pour l’intégration des enfants dans la communauté adulte serait que venant à la messe, les enfants entendent les adultes chanter leurs chants ; l’idéal serait que les chants des adultes soient employés en catéchèse et appris par les enfants. Mais on nous répond : les enfants ne disposent pas de ces chants sur leur CD. L’inverse serait envisageable : que les adultes apprennent des chants des enfants ; mais est ce que le langage du texte et de la musique sont naturels ou étranges dans la bouche des adultes ?  

2. Parmi les fidèles, il y a les responsables des chants. 
Ces personnes (animateurs) ont leurs habitudes ou leurs repères. Or elles occupent ce poste par bonne volonté plus que par réelle compétence : elles ont une fragilité du fait de leur manque de formation : je n’ai pas le droit de déstabiliser quelqu’un, de le mettre mal à l’aise, même si c’est pour améliorer le service ; on se souvient de 1 Co 12 « j’aurais beau avoir toute la science du chant, si je n’ai pas la charité… ». Mais pour améliorer le service il faut que nous augmentions leur compétence, mais délicatement. De plus, les formations comportent un conseil : celui de transmettre avec tact : non pas « j’ai appris que » mais « si nous essayions ceci … » 

3. Je poursuis cet aspect de pédagogie, de psychologie et de pastorale. 
Il est utile de savoir que les représentations mentales ont plus de place dans l’approche des phénomènes que les réalités. Prenons mon cas personnel. Une dame s’était fait de moi l’idée qu’étant organiste, je mépriserais ses modestes arpèges à la guitare ; or je suis venu avec ma guitare auprès d’elle pour accompagner des chants de peu de valeur ; ça l’a fait évoluer ; elle me dit « j’avais peur de vous » (ça m’a fait mal !). 
Tout ce que j’aurais pu dire sur la qualité moyenne de ses chants tant qu’elle avait de moi cette idée, elle l’aurait mal pris ; à partir du moment où j’ai gratté ma guitare près d’elle, elle s’est aperçu que je n’étais pas l’esthète qui méprise…. Autre exemple pour montrer combien les représentations mentales faussent les relations : Je prononce devant une équipe l’expression « art de célébrer » ; avant que j’aie le temps d’expliciter en montrant que tout geste atteindra le cœur – aura une vérité divine - si on a l’évidence qu’il a une vérité humaine, une personne me dit « évidemment, toi qui es musicien, qui travailles à Paris, tu es un esthète » : art = esthète. Cela pour dire que celui qui a une petite longueur d’avance risque d’être mal compris. 
Je confesse que dans X. domaines, je fais profil bas, je n’énonce pas mes beaux principes labellisés par l’IML. C’est à dire que suis sûr que les gens ne peuvent pas évoluer si je leur dis d’emblée des principes ; je crois plutôt que les gens évoluent lentement, parce que s’est trouvé un élément « latéral » qui ne vient pas de moi bien que je l’aie peut-être téléguidé. 
Exemple : j’ai demandé à l’animateur de chant de ne plus placer à l’ambon de manière à le réserver à la Parole de Dieu ; pendant 10 ans il ne l’a pas mis en pratique. Est arrivée une autre animatrice qui a été d’accord de se mettre un mètre à côté de l’ambon… Le premier animateur l’a vu ; ça lui a paru bien …Ca ne venait pas de moi : il l’a intégré à sa pratique. 

De telles remarques psychologiques sont essentielles avant d’aborder le sujet du chant en paroisse, parce que le chant touche à l’émotion, à la susceptibilité, surtout chez des bénévoles qui n’ont que leur bonne volonté et qui se sentent agressés si un avis les perturbe. 

 1. Le chant en paroisse comme acte d’unité 
 Quand je suis arrivé dans la paroisse en 97, il y avait 3 ou 4 carnets de chants différents, parce qu’il y avait 3 paroisses en train de fusionner et totalisant 7 lieux de culte. Avant ce projet de fusion, quand chaque paroisse était autonome, les carnets de chants étaient d’au moins 4 sortes et avec le système des carnets à pinces, s’étaient greffés dans chaque lieu de culte des chants issus de divers compositeurs – interprètes, qui ne se greffaient pas simultanément dans les carnets des autres lieux de culte… 
L’équipe pastorale ayant reçu de l’évêque la mission d’aboutir à une seule paroisse, et prévoyant que les habitués de tel lieu de culte ne manqueraient pas de se rendre dans un autre pour bénéficier d’un horaire plus adapté, elle a pensé que l’unité se ferait mieux si tous les paroissiens disposaient des mêmes chants ; elle a décidé d’acheter le même carnet de chant pour tous les lieux de culte. Pendant deux mois, on a entendu des regrets, « On aimait bien tel chant ; il n’est pas dans ce nouveau carnet ! » Mais ces regrets se sont finalement estompés. 
 Toujours sur le chapitre de l’unité par le chant. La question des répertoires parallèles. Les répertoires créent des liens pour des raisons de mémoire et d’identité. Alors il y a le répertoire des enfants du catéchisme, le répertoire des jeunes de l’aumônerie des collèges et lycées, le répertoire des charismatiques, le répertoire des adultes qui sont à l’église tous les dimanches. Dans certaines paroisses, il y a les chants africains, les chants italiens, portugais… On voit le problème d’intégration. 
Ce problème est crucial dans le cas des enfants : si, dans la paroisse, les enfants ne chantent jamais les chants des adultes, ils ne seront jamais intégrés dans l’assemblée parce qu’ils n’y retrouveront rien de leur expression de foi. Cela pose au moins deux problèmes : S’il y a des répertoires parallèles, à partir de ces répertoires là, ne faut-il pas constituer un répertoire commun ? Et même si tel chant n’entre pas de le répertoire commun, est-ce que, à telle occasion, ce chant là peut trouver sa place dans l’assemblée commune ; est-ce que ça fait du bien d’entendre certains exprimer leur foi d’une façon qui n’est pas habituelle ? est-ce qu’entendre les chants des autres nous fait catholiques ? 
Chez nous, le groupe des jeunes foyers qui fréquentent les réseaux charismatiques a préparé une messe paroissiale, c’est à dire catholique au sens où elle peut regrouper les divers états de vie et les diverses sensibilités ; Nous n’avons pas pu les convaincre de privilégier les chants habituels : ils ont chanté tout seuls ; à la sortie ils ont été obligés de conclure que le chant fait partie de la personnalité et que changer tous les chants ça faisait taire tous ceux qui n’appartiennent pas à leur courant, parce que ça les privait de quelque chose de leur personnalité. Cette première expérience faite, ils ont admis de privilégier les chants de la paroisse et j’ai montré que dans la messe il y a des moments où tous doivent pouvoir chanter et des moments où la plupart peuvent participer en écoutant ; donc ils ont placé leurs chants particuliers à ces moments là. 
 Les catéchistes ont posé le problème des répertoires parallèles. Nous avons passé en revue les chants proposés par les éditeurs du catéchisme pour en retenir 2 que les adultes mettraient à leur répertoire, et passé en revue les chants des adultes que les enfants mettraient leur répertoire. Du coup, quand les enfants viennent à la messe, ils peuvent se sentir chez eux et être intégrés. 

2. Le chant en paroisse comme anti-idéologie 
 La paroisse est un lieu où se rencontrent des gens marqués par leur vie sociale, laquelle est tributaire de diverses idéologies. Dans l’expression de leur foi et dans le culte, les gens viennent avec leur idéologie. Or à Montbéliard se trouve la plus gros complexe industriel de France, paraît-il : l’usine mère des automobiles Peugeot. Vous pensez bien que le mouvement ouvrier et l’action catholique ouvrière ont marqué leur empreinte et que les propos tenus à l’église étaient porteurs de l’idéologie des mouvements ouvriers. Entre autres accents, on entendait des propos sur l’engagement de l’homme… sans préciser comment cela s’articule avec la grâce de Dieu ; des propos sur la justice… en mettant un signe égal entre la justice humaine et la justice de Dieu… Dans ce contexte, que peut apporter le chant ? 
 Je fais bondir des choristes si je dis que le chant ne sert à rien ; ils protestent, eux qui passent des heures à étudier leurs partitions. J’ai quand même raison de préciser que le chant n’est pas utilitaire (on altère le chant si on chante du latin pour faire plaisir à ceux-ci, si on chante du Gouzes pour séduire ceux-là, si on chante pour se faire applaudir, si on chante pour occuper un temps de silence…) 

Les fonctions du chant sont indéterminables. 
Parce que le chant, c’est comme le Saint Esprit : nul ne sait ni d’où il vient, ni où il va ni ce qu’il peut produire. Le chant appartient au domaine de la grâce, du par-dessus le marché, du cadeau. Il fait écho à la grâce – à Dieu qui donne. Quand le chanteur donne ce qu’il a de plus précieux, son souffle, il fait simplement un acte d’amour. Le premier service que rend le chant c’est de sauver le monde de l’obsession (l’idéologie) de l’utilitaire. C’est à dire que l’endroit où vous chantez le mieux, c’est sous la douche, ou sur un sentier, quand vous n’êtes pas en quête d’un applaudissement ni d’une efficacité. Vous voyez que, dans une mentalité industrielle où les gens entendent du matin au soir qu’est vrai ce qui produit, ce qui est rentable… le chant à l’église aide à ne pas oublier que ce qui est vrai, c’est ce qui est cadeau, gratuit… ce qui est exactement conforme à la foi en Dieu qui donne. D’ailleurs chanter, c’est tellement donner que c’est consentir à perdre : celui qui chante en assemblée consent à ce que sa voix se perde dans la voix de l’assemblée, il consent à renoncer à son tempo préféré pour adopter le tempo de tous, il consent à ce que ce qu’il a donné disparaisse sur-le-champ (par différence avec le peintre dont l’œuvre demeure). Celui qui chante donne… il appartient au monde de la grâce. 

 A côté de l’idéologie de l’utile, il y a l’idéologie des notions. 
Avec nos paroles, nous alignons les notions de justice, d’incarnation, de transsubstantiation, de réconciliation, d’adoption, de salut, de fraternité etc… Chaque notion enferme dans une idée, oblige à suivre une piste… Or, la musique, tout au contraire, est vraiment musique quand elle ouvre et laisse libre cours à la liberté. A l’intérieur même de la messe, les paroles risquent d’encadrer, parce qu’elles sont rarement poétiques ; les seules paroles qui n’enferment pas sont les paroles poétiques ; or nous ne sommes pas poètes ; il est donc utile que le chant intervienne, surtout quand il porte les paroles d’un vrai poète. A côté de l’homélie qui dit « Dieu s’est engagé, engageons-nous ; le Christ s’est fait serviteur, servons nos frères », le poète fait chanter : « peuple d’un Dieu qui fait merveille, sois sa merveille d’aujourd’hui ». Le sens est le même, mais dans un cas l’horizon est clos, et dans l’autre, il est ouvert. Vous voyez là l’importance de mettre au répertoire des chants écrits par de vrais poètes. 

3. Le chant en paroisse comme outil de mémoire 
 Le Deutéronome n’arrête pas de dire « souviens-toi ». En effet l’ennemi de la foi, c’est l’amnésie. A notre époque on craint Alzheimer, mais en même temps on ne s’intéresse qu’à la mémoire courte ; à la radio une information chasse l’autre et, pour bien des responsables de chant, un chant nouveau doit chasser l’ancien (je pense que cette obsession de la nouveauté a empêché des gens de chanter et a nui à la foi). Une anthropologie élémentaire souligne l’importance de la mémoire : on vit comme on se souvient, on aime comme on se souvient, on croit comme on se souvient. Se souvenir est à la base de tout. Y compris de l’espérance pour l’avenir, puisque, je ne vous l’apprends pas, se souvenir que Dieu a agi dans le passé permet d’espérer qu’il agira dans l’avenir. 
 Eh bien, un des outils de la mémoire chrétienne, c’est le chant, parce que le chant situe la foi sur l’axe du son (c’est important parce que, de même que la maman est son (voix) avant d’être raison, avant que l’enfant comprenne ses mots ; la foi est son même si on ne comprend pas tous les mots : on peut chanter des chants dont on ne comprend pas bien le sens. Le langage des psaumes est parfois inhabituel parce qu’il va au-delà de nos notions). Les gens se souviennent des chants mais pas de l’homélie, parce que l’homélie passe une fois dans leurs oreilles tandis que les chants passent cent fois dans leur larynx. D’où la nécessité de stabiliser le répertoire, de mettre un frein à l’idolâtrie des chants nouveaux. 
En paroisse, je pense que nous apprenons à l’assemblée deux chants nouveaux par an. Mais, surtout aux fêtes, nous avons soin de reprendre les chants connus, car les pratiquants occasionnels, grâce aux chants connus, retrouvent le fil rouge – la mémoire – de leurs expériences de prière. Stabiliser le répertoire ne procède pas d’un mépris des créateurs de chants, ni d’un goût pour les chants anciens, mais d’une conviction selon laquelle la mémoire est centrale pour l’homme. 

4. Le chant en paroisse comme ce qui véhicule une conception de la foi. 
Je vais dire comment des chants modifient la foi des gens. La notion d’une Eglise, corps du Christ, était inconnue des paroissiens (ils avaient été formatés par un chant tel que « je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver ». L’Eglise, c’était la somme de chrétiens placés côte à côte ; ou bien une multinationale ; ou bien une organisation hiérarchique. Sont arrivés des chants qui ont modifié la conception de l’Eglise. A force de chanter « Nous sommes le corps du Christ », ou « Peuple de frères, peuple du partage » et grâce à quelques paragraphes d’homélie, les gens se sont approchés de cette conception de l’Eglise corps du Christ. Et aussi, à force de chanter des chants en ‘nous’, et non pas des chants en ‘je’ … qui abondent dans certains milieux charismatiques. Pourquoi les gens ne conçoivent plus Dieu comme un gendarme ? Parce qu’ils ont chanté « ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur » et « qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » ou « Je mets mon espoir dans le Seigneur » ou encore « Dieu est amour » 

Les chants façonnent la foi. 
 Pourquoi l’action catholique a pu insérer dans les têtes que l’on est chrétien pour être missionnaire ? parce que l’on a fait chanter « allez dans le monde entier » ou « envoie tes messagers… Tu nous choisis Seigneur, tu nous prends pour témoins ». C’est pourquoi il faut éplucher les textes, car ce qui est chanté 100 ou 200 fois s’imprime dans les mémoires, et finit par faire partie de la personnalité. 

Le chant est un outil pastoral. 
Nous les catholiques, nous l’avons considéré souvent comme une décoration dont la réalisation ne peut être assurée que par une chorale. Or en préconisant le chant d’assemblée, Vatican II a ouvert une autre piste : celle où le chant de tous est requis parce qu’il façonne la foi de tous. 
Voyez que nos efforts pour chanter des chants de valeur ne procèdent pas d’un esthétisme. ça ne veut pas dire qu’il faut chanter de manière négligée. Je compare notre conception catholique avec celle d’Eglises telles que les mennonites ou les évangéliques. Chez eux, le chant me semble être l’outil pastoral essentiel. Chez eux, à l’office, le chant est massif, et c’est le chant de tous. Je crains que nous, les catholiques, nous nous privions d’un outil pastoral puissant en rangeant le chant dans les activités accessoires à l’intention de quelques volontaires. 
Pour résumer ce paragraphe, je crois que le chant, c’est la théologie des pauvres. Je suis aumônier d’hôpital : Je vais au chevet de malades, et il m’arrive de proposer de chanter des chants connus « le Seigneur est mon berger » : que dire à un malade sur ses relations avec Dieu, sur une espérance possible ? Une théorie ? Je pense que le psaume 22 est la meilleure réponse à toutes les questions du malade. La théologie des pauvres est dans les chants. 

5. la question des chorales paroissiales. 
Cette question est amorcée dans le paragraphe précédent. A propos de chorales, je parlerai de la conception que s’en fait le concile : un groupe qui aide les autres à chanter soit en dialoguant le chant avec l’assemblée soit en les enchantant par des chants à écouter. Ca a été une révolution pour des chorales qui concevaient leur rôle comme celui d’un concert, d’admettre que ce n’était pas déchoir que de chanter en dialoguant avec l’assemblée. (Michel Chapuis dit que ce qu’il connaît de plus beau, c’est le chant de l’assemblée). Bien des chorales avaient été formatées avec l’idée qu’il fallait chanter à 4 voix, produire des motets… 
Qu’en est-il aujourd’hui ? Chez nous, ces chorales pour qui la messe était l’occasion d’un concert …ou bien se sont peu à peu converties ou bien ont perdu leur revendication en perdant leur jeunesse et leurs membres : la modestie s’est imposée. 
 Nous soutenons les chorales bien que certaines aient encore l’ancienne conception, car elles apportent quelque chose à l’assemblée lorsqu’elles dynamisent et soutiennent le chant de tous, et aussi quand, dans les moments où le chant de tous n’est pas requis, elles font entendre une pièce qu’elles ont travaillée. 
Je crois que ce qui n’est pas bien intégré c’est qu’il y a dans la messe des moments où le chant de tous est requis parce qu’il est rituel : dans l’ouverture, le kyrie et le gloire à Dieu, le refrain du psaume, l’alléluia… et des moments où le chant de tous n’est pas requis (pendant la procession des offrandes ou la procession de communion, ou tout à fait à l’entrée…) 
A partir du moment où l’on dit l’importance du chant d’assemblée, certaines chorales ont dit « il n’y a plus de place pour un chant à écouter ! si. On dit seulement que la chorale n’a pas le droit d’empêcher l’assemblée de chanter gloire à Dieu, saint le Seigneur et l’hymne après la communion. 
Un grain de sable dans ce raisonnement c’est aussi l’idée qu’au nom de la participation active, il faut que tous chantent tout : résultat ? L’Eglise donne d’elle-même l’image d’un groupe où personne n’a jamais l’occasion d’écouter un autre. 

6. Des critères pour intégrer des chants à un répertoire.  

  • Des critères textuels : est-ce français ? est-ce poétique et travaillé ou est-ce digne d’un écolier?  
  • des critères théologiques : ce qui est dit de Dieu (celui qui cherche l’homme ou celui que l’homme cherche ?), de l’Eglise (formulation en « je » ou en « nous » ?), de notre rôle dans le monde…, 
  • justesse de la théologie des critères musicaux : est-ce accessible quant à la mélodie, quant aux intervalles, quant à la tessiture, y a-t-il des rythmes réalisables ?…
  • des observations sur le lien entre texte et musique (la prosodie = les accents du texte tombent sur les accents de la musique…)  la corrélation d’esprit (telle qu’on la trouve niée dans « reviendra-t-il marcher sur nos chemins » où la musique joyeuse est à l’opposé de la gravité du texte.) 


 7. Le chant valorisant le rite. C’est quoi un chant liturgique. 
 Ce qui fait un vrai chant liturgique c’est son aptitude à être en connexion avec les rites. 
Autrement dit, il ne suffit pas qu’un chant parle de Jésus pour être bien à sa place en célébration. Le problème de beaucoup de chants des milieux charismatiques et catéchétiques, c’est qu’on ne voit pas à quel rite ils peuvent s’accrocher. 
Pour me faire comprendre, le rite de l’adieu, lors des enterrements doit être occupé à remettre le défunt entre les mains du Père : que devient ce projet, si on se met à chanter Ave Maria ? 
Le rite de la communion porte le projet d’un dialogue entre les fidèles et le Christ qui les a tant aimés : que devient ce projet si on se met à chanter « la première en chemin » ? 
Au moment de l’apport des dons, le projet est d’offrir ou d’affirmer que l’on a tout reçu : que devient ce projet si on chante « ave verum corpus » ? Ce n’est pas parce qu’un chant est beau et qu’il plait qu’il faut le chanter 
Donc une certaine ascèse : Nous avons repéré que les chants qui se diffusent sont ceux dont le style fait chanson ( l’amour a fait les premiers pas : gloire à toi qui étais mort ré sol sol, sil la sol si). La question est «il faut un peu d’inculturation, mais ne faut-il pas aussi que l’on différencie RTL et l’eucharistie, ne faut-il pas que la manière du chant m’aide à comprendre que je suis à l’église et pas dans les allées d’un super marché ? C’est parce que sa musique se situe nettement en différence avec les musiques de la radio que Gouzes a fait signe. Mais sa musique pose question : dans un repas on aime bien que la crème du dessert soit très différente du potage ou des légumes : de même à la liturgie, l’Eglise nous fait prendre des attitudes spirituelles très diverses (louange, supplication, méditation, acclamation) : si ces moments divers sont accompagnés de musique toujours identique, on ne peut pas dire que la musique sert le rite. 

8. Le problème actuel c’est qu’à cause de la commercialisation (les disques, puis l’internet), tout est sur le marché : personne ne peut réguler. 
Un responsable diocésain a beau donner des repères, il n’a pas la possibilité de maîtriser les désirs. A côté de la commercialisation, il y a les déplacements : M. X. en vacances a entendu un chant qui lui a plu : l’envie s’installe en lui de transporter ce chant dans sa paroisses. 
St Augustin était confronté sans doute à ce problème puisqu’il a dit qu’il en est des chants comme des chaussures ce n’est pas parce qu’une paire de chaussures est belle qu’elle est adaptée à mon pied. La bonne chaussure c’est celle qui va à mon pied ( qui correspond à mes moyens, qui trouve un écho dans la tête des gens, qui est compatible avec les personnes telles qu’on les connaît…) 

9. Le choix des chants 
Evidemment, en paroisse, il se trouve un responsable du chant. Si cette personne a réfléchi au problème, à l’enjeu, elle peut bâtir une politique à long terme avec les autres. Par exemple, un chant nouveau est à installer ? Cette personne en prévoit la programmation pendant 5 dimanches. 
Un fil rouge est à faire apparaître ? Cette personne sait retrouver le chant utilisé l’an dernier sur ce rite. 
La question se complique si le choix des chants est laissé aux équipes liturgiques. 
Soit elles se sont concertées, et on se trouve dans le cas juste ci-dessus, soit elles font des propositions qui n’ont aucune ‘traçabilité’, qui n’entreront jamais dans la mémoire… 
Je répète que décider du répertoire, c’est décider de ce qui sera dans la mémoire des paroissiens : est-ce qu’en cela, on peut prendre le risque d’avoir n’importe quoi ? Bref, le curé a son mot à dire. J’en profite pour souligner la place de bien des chorales dans l’évolution des communautés : En période de regroupement des paroisses, les chorales ont pu jouer un rôle de lien. 
Il existe une charte des chanteurs liturgiques qui reprend la plupart de ces aspects et que l’on peut demander au SNPLS, service musical 

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