Liturgie : "Des rôles clefs pour animer la liturgie"

Des rôles clefs pour animer la liturgie 
Par Joseph Gélineau, († 2008) père jésuite, liturgiste et compositeur de musique sacrée. 


De l'animation de chant au ministère du chantre 

Coup d'œil rétrospectif 
Avant Vatican II, il y avait dans chaque paroisse, pour la messe chantée, un ou plusieurs chantres. Le chantre se situait dans le chœur, revêtu d'une soutane et d'un surplis. Son rôle consistait à répondre au prêtre dans les dialogues, à assurer l'exécution des pièces du "propre" de la messe et à dialoguer les chants "de l'Ordinaire" avec d'autres chantres ou un chœur de chanteuses situées dans la nef. 

Amorces d'une évolution 
Dans les années 1950 se manifeste un mouvement irréversible pour que les fidèles participent activement au chant liturgique. Ce courant aboutira, au concile de Vatican II, à la revalorisation du chant comme mode privilégié de participation des fidèles à la liturgie. Mais cette mise en cause d'une forme séculaire du ministère liturgique des chantres fut souvent perçu - ainsi que l'usage des langues vivantes au lieu du latin - comme une mise en question des chantres et des chorales traditionnelles. 
De fait, la plupart des chantres traditionnels, disparurent de nos paroisses, en même temps que s'éteignait la distinction entre "la messe chantée" et "les messes basses". 


Après Vatican II 
En encourageant le chant des assemblées et en permettant l'usage des langues vivantes, la réforme conciliaire supposait tout à la fois la création de nouveaux répertoires de chants liturgiques et les moyens de leur mise en œuvre pastorale. 
Le plus souvent, c'est une "bonne volonté" qui venait au micro - innovation qui modifie radicalement le fonctionnement traditionnel du chant ! - qui chantait "devant le peuple" pour "l’entraîner" en s'aidant de gestes... Pour désigner ce rôle, on employa de plus en plus le nom d'"animateur" oui "animatrice". 

Le rôle de l'animateur de chants: 
Il est important des réfléchir au rôle de l'animateur. Si l'on repart de la Présentation générale du Missel romain, apparaît le rôle du chantre : 
- Soit comme un ministère propre en tant que psalmiste (PGMR, n° 67) ; 
- Soit comme service de l'assemblée "pour guider et soutenir le chant du peuple" ; ses interventions sont expressément mentionnées pour le chant d'entrée, le kyrie, le psaume ; l'Alléluia, l'Agneau de Dieu, le chant de communion, la prière universelle et le chant de communion. 

Le chantre : un ministère à redécouvrir 
Il semble en effet que le moment soit venu de redécouvrir le ministère du chantre ; un certain nombre de questions se posent alors. 

La place 
Il n'est pas traditionnel que les chantres se placent face à l'assemblée (on n'est pas au concert !). les chantres sont traditionnellement en position latérale dans le chœur. Quand quelqu'un prie ou chante dans l'assemblée il est normalement orienté vers le centre de l'action. Exception faite pour l'annonce de la parole de Dieu - et donc du psaume - faite au peuple. Notons qu'un chantre peut très bien se situer dans une chorale si l’acoustique et l'orientation sont bonnes. 

La tenue 
Si le chantre est situé dans la zone du sanctuaire, il est très bien qu'il porte un vêtement approprié, genre châle ou tunique (mais peut-être pas une aube de prêtre !). S'il doit à certains moments faire un geste de départ à l'assemblée, il se tourne vers elle. Comme tout ministre, il doit être de ceux qui vivent intensément la liturgie : écouter la Parole ; se recueillir pour prier ; s'incliner ; etc. 
C'est sur cette attitude que se greffe son rôle propre et qu'il devient signe du mystère célébré. 

La voix 
Il n'est gratifiant pour personne que le ou la chantre ait une voix hésitante, pas juste ou au timbre désagréable. Tous les dons ou charismes dans l'assemblée ne sont pas donnés à tous ni interchangeables. Ce n'est pas une discrimination que de tenir compte de la voix pour choisir un chantre. 

La compétence 
En plus d'une voix convenable, les chantres doivent bien posséder le répertoire et en connaître, non seulement la technique mais aussi la signification rituelle et mystique. 

L'esprit de service 
L'histoire de la liturgie montre que la "vanité" des chantres est un mal endémique et tenace. Il faut éviter les monopoles. Pratiquement : on peut estimer que partout, même dans les petites assemblées, on doit pouvoir trouver une solution, sinon exemplaire, du moins honorable et digne des mystères célébrés. Le jugement n'est pas à porter selon une esthétique profane mais selon ce qui est bon pour l'assemblée célébrante. 

Celui qui veille au bon déroulement : le cérémoniaire 
Dans la "messe chantée" d'avant Vatican II, il y avait, parmi les enfants de chœur, un cérémoniaire, censé guider les autres. Dans les célébrations épiscopales, un "maître des cérémonies" remplissait ce rôle. L'actuelle Présentation générale du Missel romain ne nomme plus spécifiquement le cérémoniaire parmi les services liturgiques. Mais fait cet important rappel : "Il est bon que, surtout dans les églises et les communautés importantes, quelqu'un soit désigné pour veiller à ce que les actions sacrées soient bien organisées et accueillies par les ministres avec beauté, ordre et piété" (PGMR, n° 69) Quoiqu'il en soit du nom de "cérémoniaire" - parfois contaminé par le sens péjoratifs de l'adjectif cérémonieux- il apparaît évident qu'une fonction de régie, individuelle ou collégiale, doit être assurée dans les célébrations importantes, et même dans les messes du dimanche, avec le peuple. Si les choses ne sont pas prévues et suivies, on risque de tomber dans la routine ou l'improvisation. Comment peut-on, aujourd'hui, envisager un rôle - masculin ou féminin - de cérémoniaire dans nos liturgies actuelles ? 

Selon la nature de l'assemblée 
La nécessité du cérémoniaire ne sera pas la même selon qu'on a à faire à une célébration exceptionnelle (nuit pascale, baptême, grand rassemblement, etc..), à un dimanche ordinaire ou à une messe de petit groupe. La première nécessitera une équipe de plusieurs personnes (celui qui accompagne le célébrant principal, celui qui veille sur ce qui se passe dans le sanctuaire, ceux qui veillent sur ce qui se passe dans l'assemblée, etc...). La troisième n'exigera pas de cérémoniaire. Notre réflexion vise, ici, la situation médiane : les messes du dimanche avec peuple. 

Principes d'une bonne régie en liturgie 
Une bonne régie qui peut garantir un bon déroulement relatif de la célébration demande à être envisagée selon trois temps : avant, juste avant et pendant. 

La préparation générale 
Il est souhaitable que la préparation générale de la liturgie ne soit pas le fait d'une seule personne mais soit réalisée par un groupe. C'est souvent le cas des équipes liturgiques. Il ne suffit pas d'avoir prévu les chants, les lecteurs et les intentions de prière. Il ne faut pas en rester mentalement à ce qui se passe dans le sanctuaire ! Il faut aussi se préoccuper de la manière dont la liturgie sera perçue de l'assemblée (le nombre et l'âge des intervenants, l'homogéité ou la diversité qu'ils représentent, leurs compétences, la qualité de mise en oeuvre envisagée, les éléments caractéristiques de tel jour, etc...) On n'oubliera jamais que la liturgie est pour le peuple et non le peuple pour la liturgie. Comme il est naturel, c'est là que l'on prévoit les responsabilités individuelles pour chaque célébration. 

La préparation immédiate 
Vient le jour de la célébration. C'est ici que le "régisseur" ou cérémoniaire exerce sa responsabilité de veiller à ce que tout se mette correctement en place : disposition des membres de l'assemblée et place des ministres, éclairage, luminaires, sono, livres de chants, vêtements des ministres, préparation des oblats, de la croix de procession, de l'encens s'il y a lieu, etc. Il faut éviter que le prêtre célébrant ait à vérifier tout cela. Il doit se tenir, autant que possible, disponible pour l'accueil - même s'il y a un service d'accueil - et rester intérieurement libre pour la Parole et la prière, comme les autres intervenants. Le cérémoniaire veille à ce que chacun sache exactement ce qu'il a à faire et soit rassuré. 

Durant la célébration 
Selon le principe énoncé dans la Constitution sur la sainte liturgie de Vatican II, chacun, dans la célébration, fait tout ce qui lui revient et cela seulement (PGMR n° 58). C'est à cela que doit principalement veiller un cérémoniaire : un livre qui manque, une sono mal réglée, une lumière qui s'éteint, un lecteur qui n'est pas là, etc. ; ce n'est pas à l'un des ministres du sanctuaire d'intervenir. Plus important encore - surtout s'il n'y a pas de service d'accueil - est ce qui se passe dans l'assemblée : inviter à mieux se regrouper, trouver une bonne place pour les enfants, accueillir telle personne qui semble perdue, un groupe inattendu de scouts, telle famille venue à cause de l'intention de la messe, etc. Le cérémoniaire est celui qui veille à ce que chaque intervenant fasse ce qui lui revient au bon moment et au bon endroit. Pour cela, il doit connaître parfaitement le déroulement de la célébration et savoir qui fait quoi. Il doit avoir également une très bonne connaissance des rituels pour pouvoir improviser en cas de nécessité. Ces services deviennent encore plus nécessaires s'il y a , ce jour-là, des rites spéciaux à cause d'une fête ou de sacrements concernant des personnes particulières. On voit que le rôle de cérémoniaire tel que nous le présentons ici n'est guère ritualisé ni ritualisable. On comprend que les livres liturgiques ne le nomment pas parmi les ministres ordinaires. Les ministres des rites sont un peu comme des rouages : il faut que quelqu'un veille à ce qu'il y ait de l'huile dans les rouages ! Cette sorte de veilleur doit évidemment bien connaître la liturgie et son déroulement. Et en priant lui-même comme membre de l'assemblée, il sentira ce qui peut l'aider à bien célébrer dans l'unité et la ferveur. 

Article extrait de la revue Célébrer, n°309, décembre 2001-janvier 2002

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