Accueillez les prêtres que Dieu donne ! par le Cardinal Jean Marie Lustiger (1926-2007)

A l’occasion des ordinations sacerdotales en 1987, le Cardinal Jean-Marie Lustiger, Archevêque de Paris, invitait à un « bon usage » des prêtres, lors d’un entretien sur Radio Notre-Dame, dont nous publions ici un extrait.

D’abord, accordez-leur le respect que vous réclamez pour vous-mêmes.
Comme bien d’autres, certes, qui exercent une fonction publique, ils sont livrés aux réactions des hommes : compliments et, plus souvent, critiques. Ils sont littéralement "exposés". Le Christ en a prévenu les apôtres (cf. Mt 10,16 sq. et 24, 9). 
Peut-être direz-vous : "En choisissant de devenir prêtres, ils l’ont bien voulu !" Nuance ! Ils n’ont pas choisi leur vocation ; c’est Dieu qui les a choisis. Eux, ils ont choisi librement de lui répondre, par fidélité à Dieu et par amour de leurs frères. Le prêtre ne peut que reconnaître avec le prophète Jérémie (20,7) : "Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ".
Ce que les prêtres doivent faire pour vous, ils le font aussi avec vous. Ayez donc pour eux un préjugé favorable. Témoignez-leur un peu de cette charité qu’ils ont mission de vous transmettre, et de cette espérance qu’ils ont mission de vous rendre. Aidez-les par votre propre foi qu’ils ont mission d’éveiller et de nourrir. 

Ensuite, n’oubliez pas que le prêtre est avant tout un "envoyé".
Comme l’Eglise qui accompagne chaque existence de la naissance à la mort, il est le témoin des âges de votre vie. Et il semble normal que le prêtre à qui vous vous êtes confié, avec qui vous avez travaillé au service de l’Eglise et au service des hommes, demeure jusqu’au bout partie prenante de l’œuvre entreprise, présent sur le chemin parcouru ensemble.
Mais, lorsqu’un prêtre est "adopté" par des chrétiens, il risque de devenir "leur" prêtre, "leur" aumônier. Cette appropriation peut faire dévier de sa rectitude la volonté du prêtre d’être disponible à ses frères, tel saint Paul qui s’est "fait tout à tous" (1 Co 9, 19-23). A condition de demeurer "libre à l’égard de tous à cause de l’Evangile".
Comme aux chrétiens de Corinthe, il faut vous rappeler que tout prêtre est toujours un envoyé de Jésus-Christ, venu d’ailleurs, venu du Père. Avec Jésus et en son Nom, il doit dire à ses frères : "Non, ma royauté n’est pas d’ici" (Jn 18, 26). Loin d’être "possédé" par la portion du peuple de Dieu à laquelle il est "donné", envoyé, il lui signifie qu’elle ne peut se replier sur elle-même et qu’elle doit entrer à son tour dans cet envoi. L’Eglise participe à la grâce et à la mission des envoyés, des apôtres.
Ainsi tout changement de prêtre est-il pour vous, fidèles, comme pour les prêtres, un test de l’esprit "catholique" et une épreuve de la foi : A qui êtes-vous attachés ? A une personne ou à l’Eglise ? Même s’il est légitime et normal d’éprouver la peine de saint Paul lorsqu’il fait ses derniers adieux aux chrétiens d’Ephèse (Ac 20,17-38).

Apprenez à accueillir un prêtre d’abord en raison de son envoi : il est toujours porteur d’une grâce nouvelle.

Lorsqu’un prêtre est appelé à vous quitter – âge, santé, fin de sa mission ici, réponse à un besoin d’Eglise plus loin –, si vous vous interrogez avec nostalgie, peut-être oubliez-vous que le travail commencé avec lui n’est pas "son" travail, mais d’abord une mission de l’Eglise. Ce n’est pas "sa" paroisse, mais une paroisse de l’Eglise ; ni "ses" fidèles, mais les fidèles du Christ. Entrez de bon cœur dans cette ascèse à laquelle le prêtre, le premier, est soumis rudement pour ne jamais s’approprier le fruit de la mission et s’en remettre à l’Esprit Saint dans un plus grand amour du Christ et de l’Eglise.
Que la lourdeur inévitable des relations humaines, la peur de la nouveauté, le poids du passé le cèdent à une foi renouvelée. "Moi, écrit Paul, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui fait croître... Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un... Nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu et vous êtes le champ que Dieu cultive" (1 Co 3, 6-9). 

Demandez au prêtre ce qu’il a reçu du Christ pour vous.
Enfin, demandez au prêtre ce qu’il peut et doit vous donner et qui ne lui appartient pas, ce trésor que l’Eglise lui a confié pour vous et le salut du monde. Vous le donnant, il le reçoit pour la joie de sa vie. Demandez-lui la foi en Jésus-Christ, il croira plus radicalement. Demandez-lui le pardon du Père des Cieux, lui-même le recevra. Demandez-lui la grâce de la sainteté et des sacrements. Il vivra davantage comme un saint. Ainsi, vous lui rendez en action de grâce tout don de grâce. Prémices du "centuple" promis par le Christ "à ceux qui ont tout quitté pour le suivre" (Mt 19, 29). 

Articles les plus consultés